« Life is a garden, dig it! », dixit Jo Lacrasse (du film Jo Dirt en version originale).
Le héros du film, un concierge du sud des États-Unis, abandonné enfant par sa famille au Grand Canyon, raconte en entrevue radio le parcours autonome qui l’a amené à rencontrer toutes sortes de gens, lui amenant aussi chaque jour des difficultés, mais également des opportunités. Il apprend que pour récolter le succès, le bonheur, il fallait d’abord le cultiver.
Des sages paroles pour un péquenot à la coupe mullet, aficionado de hard rock des années 80. Le récit se base sur l’idée qu’il incarne un loser, car il a un métier de marde (passer la moppe dans un studio ou travailler comme machiniste en bedaine dans un parc d’attractions). De ce fait, il ne peut reluire du même lustre que les gagnants, car, en définition, il est un prolétaire, il est im-pos-sible qu’il soit heureux, accompli. Métier pas noble = T 1 #perdant #lolz!
Bien que ce soit une comédie tout ce qu’il y a de plus léger, le modèle américain de la réussite tend à nous faire miroiter que la prestance, le mérite, vient avec la grosse job, le gros salaire. Il est bien plus chic de ne pas se salir les mains.
Ce modèle est en renversement. Ce modèle, du big–shot-costard-bague-à-chaque-doigt, est révolu.
Pour la jeune génération, les études vous diront – vous êtes assez grands pour aller googler tout seuls – que la majorité des Y préfèrent un métier qu’ils aiment même s’il paie moins qu’une job payante qu’ils n’aimeraient pas. Pourquoi? Sans pousser le scientifique au fond de son bécher, on peut regarder deux choses : les générations d’avant, nos parents qui se sont crevé le cul dans un bureau pendant des décennies et qui n’avaient ni congés ni salaires qui allaient de pair avec l’atteinte ultime d’une qualité de vie dite idéale (coincés dans un horaire inflexible, peu de vacances, routine). Ce qui a pu nous envoyer un reflet, dès l’enfance, que le bonheur est ailleurs que dans la poursuite des hautes sphères de travail.
Ou encore, sans même l’impact de l’environnement immédiat, la génération Y a grandi en voyant les scandales financiers d’entreprises éclater partout, à déboulonner du magnat, du conglomérat, du palier de gouvernement nous conduisant à une connotation que la richesse est proche du crosseur. Nortel, Ponzi scheme, Power Corporation, commission Charbonneau, la scientologie…
On ne rêve plus d’être avocat. On rêve de faire des gaufres dans un food truck.
La structure économique étant ce qu’elle est aujourd’hui, y’a pas beaucoup de jeunes sortant de l’école qui vont s’acheter la maison direct. Diplôme dans une main, mortier encore sur la tête et, déjà, clé de char neuf dans l’autre. Pour beaucoup, les jobs « ridi-cool » collectionnées en attendant et qui se poursuivent jusqu’à tard, parfois dans la trentaine, sont pour l’alimentaire davantage que pour le côté créatif. Certes, ça nourrit, mais ça me laisse aussi du lousse pour faire ce que j’ai envie de faire. Partir ou rester, mettre la musique que je veux, m’habiller comme je veux, organiser mon horaire en fonction de mes envies et non l’inverse.
Donc, c’est pas surprenant si le serveur de 34 ans sert encore des assiettes de dumplings au bacon en travaillant sur le side pour que son projet de resto à lui décolle. C’est peut-être autre chose qui donne le sourire le matin à la caissière adulte de la boutique de chandelles. Et je crois que, pour une certaine part, on en est maintenant tous conscients. Il est fini le temps du bullying de carrière, du Peter Griffin qui se sent obligé de mentir aux retrouvailles de secondaire pour ne pas passer pour un perdant.
Oui, il se fait passer pour un cowboy-astronaute-millionnaire, mais cela montre l’espèce de pression que certains peuvent se mettre vis-à-vis leur job.
Que tu sois commis-vendeuse, barista dans une multinationale à grains, téléphoniste dans une ligne érotique, ramasseur de vomi dans l’allée 4, étampeur de poignets dans un night-club à prix d’entrée, hôtesse dans un restaurant de fruits de mer, vendeur de souliers chez Yellow, artiste-sandwich chez Subway; tu travailles.
Quelqu’un qui travaille n’est jamais ridicule.
Et, pour revenir à ce bon vieux Jo Lacrasse que je citerai ici en anglais pour conserver l’effet : « There’s no fail until you try. »
Faque sois pas gêné de ton métier.
Pis viens livrer mon esti de poulet, j’ai faim, crisse! ?
*joke de poulet volée à Jean-François Mercier en 2006.