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Voyager : partir ou fuir? – Syndrome de la cure géographique

Quand tu penses à crisser ton camp 59 minutes par heure, que tes économies se transforment toujours en billet d’avion et que tu trouves qu’une map du monde est l’affiche idéale pour décorer ta chambre, tu es sûrement adepte, toi aussi, de la cure géographique.

Je me suis payée mon tout premier billet d’avion à l’âge de 16 ans. Je travaillais dans un fast-food et j’avais réussi à garder mes sous pour une semaine à Varadero. Malgré le « tout-inclus » de la chose, ça a été ma première expérience de dépaysement. J’ai alors compris qu’un monde complètement différent du mien bouillonne sur la planète et le désir de le découvrir est né en moi.

Aussitôt revenue, j’ai commencé à économiser pour le prochain départ. Les années ont passé et j’ai eu la chance d’explorer quelques parties du globe. À chaque fois que je voyage, je découvre aussi une partie de moi-même. À chaque retour, je suis déprimée et c’est seulement l’idée de repartir qui m’allume et me redonne courage.

Au gré de mes trips, j’en suis venue à me demander : « Pourquoi est ce que je me sens si bien seulement quand je suis à des kilomètres de la maison? »

Cure géographique

J’ai réalisé que le voyage était pour moi une échappatoire à mes inquiétudes de jeune femme et à la peur d’être enracinée dans une société qui ne me représente pas réellement. C’est la peur de ne pas être heureuse et d’être prise au piège.

J’en suis aussi venue à admettre que voyager ne résout pas tous les problèmes. Le mal de vivre peut se glisser dans ta valise et te suivre partout, même au beau milieu du désert du Sahara ou dans un igloo en Alaska.

Il y a deux ans, je traversais un moment sombre. Je venais de vivre une année très difficile et j’avais atteint le fond. Dans un élan désespéré, j’ai tout plaqué et je me suis envolée vers la Californie. Par hasard et par chance, j’ai travaillé dans une auberge de jeunesse à Venice Beach. La magie du voyage-cure géographique a fait son effet : l’année la plus noire de ma vie a laissé  place à la suivante, la plus belle et la plus révélatrice jusqu’à présent.

La magie du voyage

Perso, la magie du voyage, c’est d’être capable d’être « ici » et « maintenant ». Peu importe la destination ou la durée, je me mets en mode « moment présent ».

Être loin signifie souvent faire des choses pour la première fois. On rencontre des nouvelles personnes et on apprend des trucs tous les jours. Après quelques mois en Californie, je m’étais dénichée une jobine. Tous les jours, après le boulot, je faisais de longues marches sur la plage. C’est là que j’ai rencontré des gens extraordinaires. J’ai même goûté à l’amour.

À travers mes aventures californiennes, je n’ai pas eu le choix de faire confiance à la vie. À travers mes rencontres, je n’ai pas pris le temps de juger les gens et j’ai été la meilleure version de moi-même.  Les moments passés avec ces personnes rencontrées au hasard sont si brefs, qu’il est naturel d’être complètement vrai. No time for bullshit.

Les moments passés seules ne servaient pas à m’inquiéter des préoccupations futures, mais bien à être dans un état de gratitude pure et simple par rapport à ce que je vivais.

Le retour à la réalité

À l’auberge de jeunesse à laquelle je travaillais, j’avais la chance de passer chaque semaine avec des voyageurs provenant des quatre coins du globe. Tous avaient leurs histoires et parcours exceptionnels. J’ai eu la chance d’obtenir des confidences de plusieurs. Certains voyageurs avaient quitté leurs nids depuis des semaines, des mois, voir des années. Il m’arrivait souvent de les entendre dire, lorsque la fin des vacances approchait, qu’ils n’avaient pas hâte à ce dur « retour à la réalité ».

Lorsque la fin de mon périple est arrivée, je me suis surprise à laisser échapper les mêmes propos. À le ressentir. Je ne voulais pas rentrer à la maison car j’avais l’impression que tous mes démons, qui s’étaient envolés lors de mon séjour californien, allaient réapparaitre. Tous mes tracas, mes responsabilités, mes ennuis, allaient revenir en force.

Et une pensée m’a traversé l’esprit : « Et si la réalité c’était ça?» Ce que je vivais à ce moment précis. « Être simplement heureuse. »

J’ai alors décidé de faire en sorte que ma réalité soit aussi belle qu’un long séjour californien. J’ai pris la décision de faire de ma vie un constant et long voyage. De continuer d’être émerveillée par ce qui m’entoure et de vivre dans la gratitude. D’être ouverte d’esprit et d’être passionnée par ce que j’entreprends.

Routine de voyageuse à la maison

Ce n’est pas toujours facile, mais j’essaie de garder mon esprit de voyageuse, même dans ma propre ville. Je marche souvent à travers Montréal avec une caméra, une bonne playlist et mes yeux de touriste. J’observe les gens et leur mode de vie. J’essaie de faire quelque chose de nouveau le plus souvent possible. Je prends le temps de sourire aux gens dans le métro ou de discuter avec l’épicier.

Le sentiment d’être au bon endroit, au bon moment, c’est aussi gratifiant que d’être à l’autre bout du monde, loin des responsabilités.  Le voyage, c’est un état d’esprit et il faut le cultiver à l’année longue.

Par Camille Rowe

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