On s’est embrassés sur la bouche.
C’est devenu un début de relation. Un début de relation pas comme d’habitude, pas comme toutes les fois où je savais pertinemment que ça fonctionnerait pas. Un début de relation qui fait peur. Qui fait en sorte que ta gorge se serre et que le cœur veut te sortir. Quand on sait plus quoi faire de nos mains. Qu’on est stressé de déplaire ou juste de faire une mauvaise blague. On rit plus fort, on parle plus fort, on vit plus fort. Un début de quelque chose, sans savoir quoi encore.
Ça fait peur, parce que j’ai toujours eu un pied dans la porte. Prête à prendre ma dignité et l’emporter ailleurs. Toi, tu m’as tendu la main et mes deux pieds ce sont enlignés.
Les commencements ont leur charme. Je ne sais pas si c’est toi qui es charmant ou si c’est le nuage qui s’est formé au-dessus de ma tête que je traîne partout. Ça fait peur. Ça fait peur, parce que rien ni personne réussirait à péter cette bulle-là. Je regarde le vide comme s’il allait me révéler les secrets de la vie et je pars dans mes scénarios de fille enivrée par l’amour, si on peut appeler ça comme ça.
Ça fait dix-neuf ans que je travaille ma personnalité de fille seule; parce que oui, c’était ancré en moi, c’était devenu moi. Toi t’arrives avec tes bonnes manières et ta gentillesse pour bousiller tout ça.
Je t’ai demandé si t’avais des écorchures. T’as dit que tu en avais déjà eu. Que là ton cœur avait du tape. J’espère que tu en as assez pour deux et un peu de Polysporin aussi. Une miette de cœur à la fois. Je ne veux pas tomber en amour, je veux essayer l’amour sans tomber. J’avais oublié c’était quoi l’attention. Ça fait peur, parce que je veux plus la laisser filer.
On a les deux pieds dans quelque chose de nouveau, de présent, sans passé. Un passé qui ne nous rattrapera pas. Un passé qui reste là-bas. Ça fait peur, parce que j’ai envie de tout te déballer juste par curiosité. Juste pour voir si tu vas être encore là après mon dernier mot.
On s’est embrassés sur la bouche et tu m’as tendu le fil auxiliaire. Personne ne me tend le fil auxiliaire. C’est là que j’ai su que je n’avais plus de raison d’avoir peur.