Il y a quelques semaines, j’ai reçu des amis, un soir, pour une bouffe. On jase de n’importe quoi, quelqu’un renverse une bière, il fait chaud, on grignote trop avant le souper, on rit. J’écoute ma copine me raconter une histoire de boulot un peu ennuyante, quand j’entends, du coin de l’oreille, son chum dire au mien : « Pas question qu’un gars touche ma fille avant que je l’accepte. Pis s’il la touche, il va voir que moi avec, j’capable… avec mon bat de baseball. M’as y faire peur ». Première offense.
Un après-midi de semaine, en congé, ben relax, je discute avec mon voisin. On parle de nos filles qui ont le même âge, des p’tites puces encore, et je lui dis qu’elles vont sûrement faire les quatre cents coups ensemble, si elles développent une amitié en vieillissant. Sa réponse? « Elles sont mieux de ne pas ramener de gars à la maison. Ni de porter des affaires mini ». Second strike.
L’histoire se répétait et mon malaise, lui, mon maudit gros malaise, grandissait.
Ma fille, et toutes les petites filles, je veux qu’elle grandisse fière d’elle-même. Qu’elle se respecte.
Je lui souhaite de ne pas être obligée de porter un haut de maillot de bain à la pataugeoire parce que, outre ses p’tites lulus, rien ne la distingue d’un p’tit mec pour l’instant.
Je lui souhaite de pouvoir porter un chandail qui montre un peu son nombril, à 8 ans, si ça lui tente, parce que de dire qu’il faut le cacher, c’est comme dire aux garçons : « Un nombril de fille, ça déconcentre à l’école » et c’est comme dire aux filles : « Cache ton corps, tu ne dois pas provoquer l’envie ».
Je lui souhaite de pouvoir se maquiller, si ça lui fait se sentir belle, sans qu’on lui dise « Tu fais ça pour plaire à un gars? T’as un p’tit chum pour qui tu te mets belle? »
Je lui souhaite de pouvoir passer une soirée avec ses copines et, même si sa jupe est un peu courte, de ne pas avoir trop la frousse si elle rentre seule à la maison.
Je lui souhaite de ne pas subir les sifflements, les vulgarités, les coups de klaxon répétés, les sous-entendus sexuels lancés par des messieurs dans la rue.
Je lui souhaite de pouvoir dire non, sans crainte, pis de l’assumer, à un gars trop insistant, ou même à son premier amoureux qui est prêt, lui, mais peut-être pas elle.
Je pourrais la continuer longtemps, cette liste. Elle pourrait s’étirer jusqu’au pôle Nord.
Oui, c’est peut-être bien une belle fantaisie, tout cela, mais j’me dis que si l’on continue à parler de (et à) nos filles comme ça, ça restera toujours une utopie. Pourquoi vouloir contrôler les premiers émois amoureux de sa fille? Pourquoi vouloir menacer les garçons qui s’en approcheront trop? Pourquoi ne pas l’éduquer plutôt, dès le début, en lui montrant que son corps lui appartient, qu’il mérite le respect et que, comme parents, on est là pour aider et pour guider, pas pour puncher son kick dans face s’il lui brise le cœur? Ses amies s’occuperont de le descendre en flammes, pas son père.
Pis les garçons, il ne faut pas les oublier, là-dedans. Mes fils, leur père ne leur donnera pas de bine sur l’épaule s’ils lui disent qu’ils ont frenché trois filles cette semaine. Je ne menacerai pas leurs premières petites copines en leur disant que je serai toujours la femme dans la vie de mes fils et que, si je ne les aime pas, elles devront déguerpir au plus crisse. Non.
Mon souhait le plus cher, pour l’avenir de tous ces p’tits bouts qui poussent, ce serait que, comme société, on mette les mots « respect », « égalité » et « consentement » obligatoires au (fictif) cursus d’éducation parentale.
En tout cas, ma fille, je lui souhaite qu’elle sache toujours que les règles pour la dater, si elles étaient inscrites quelque part dans l’Univers, seraient les suivantes :
1. Je ne décide pas des règles.
2. Tu ne décides pas des règles.
3. Elle décide des règles. Son corps, ses règles.