Salut toi, ça fait longtemps.
Mais je sais que c’est normal, que ces choses-là prennent du temps.
C’est normal de prendre ses distances une fois qu’on se fait casser l’amour en mille, normal de se tracer un périmètre en cônes oranges autour du cœur, normal de regarder deux fois à gauche avant de traverser la rue.
Normal d’arrêter de fréquenter les mêmes bars, nos bars, nos rues, nos amis. Normal d’essayer de toutes nos forces de disparaître, de se lancer la cape d’invisibilité sur la tête et de suer à grosses gouttes la peur de se croiser par hasard.
Maudit que ça fait peur, ça : se croiser par hasard.
Avoir le cœur qui me défonce la cage chaque fois que je dois emprunter ta station de métro. Ta station, la tienne, celle que je connaissais même pas avant de te connaître toi. Avoir la crise cardiaque qui prend son élan quand je pense te voir au loin, quand je pense voir ta casquette, ton profil, ton grand corps, mais que finalement c’est pas toi. Et je peux pas m’empêcher d’être déçue, même si j’aurais hais-rougis-paniqué de te croiser.
Tranquillement, lentement mais sûrement, mon corps s’habitue à ne plus te connaître. Ma tête comprend que même si on se voyait, même si on le planifiait, on ne se reconnaîtrait sûrement pas. Ou en tout cas, pas dans le souvenir qu’on garde de l’autre.
Tranquillement, tu m’oublies, tu t’habitues à de nouvelles habitudes, à une vie sans moi tapissée sur tes murs.
Et tranquillement, je t’oublie aussi. Ta façon de rire, de me tenir la main, de préparer du café rien que parce que tu aimais l’odeur, ta façon de me regarder comme quelque chose de précieux. Tranquillement, j’oublie tout ce qui faisait de nous des amoureux amoureux.
Alors, je voulais juste te dire salut. Salut, je pense encore à toi des fois, mais ça me donne pu de coup de poing dans le ventre quand ça arrive, j’ai pu les larmes aux yeux, les sourcils qui se froncent. J’arrive à penser à toi simplement. Un « je pense à toi » qui fait pas mal en-dedans.
J’ai oublié ton odeur. Avant, j’aurais pu brailler rien que d’en sentir un autre qui avait le même déo que toi, et maintenant, j’ai oublié. Et ça me fait pas de peine, ou en tout cas je pense pas.
Mais j’aurais quand même aimé ça qu’on se trippe dessus toute la vie, qu’on se tanne jamais, qu’on se surprenne toujours.
J’aurais quand même aimé ça qu’on ait jamais à s’oublier. Et au fond, je trouve ça poche que les amours finissent toujours dans cet endroit mystérieux où disparaissent les chaussettes. Y m’semble que ça serait beau, de jamais s’oublier.
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