Toujours plus vite. Manger vite, rouler vite, vivre la vie… vite.
On veut être aussi efficaces qu’un suppositoire dans l’cul d’un chanteur enrhumé.
Fait qu’on se pense autonomes. On s’isole malgré nous parce qu’on a tout à portée de main. Téléphone cellulaire, Tinder, Netflix, manette de télévision… Classique. La manette est restée sur le meuble de télé, la salope.
J’avais à peine 9 ans. Mon père avait l’habitude de m’emmener au marché aux puces. Au quoi?!
C’est un endroit où tu te rends, physiquement, en voiture ou à pied. Ça prend environ 2 heures de ta journée (je sais, c’est du suicide, car nos secondes sont tellement précieuses). Tu marches dans des allées qui puent, tu vois du monde qui pue aussi, tu parles avec des humains, en face. Il fait un peu sombre, mais il y a plein de bébelles qui te font oublier le manque de fenêtres. Tu payes en argent comptant. Tu maga… Attends. Oui! Tu magasines! J’aurais juste dû dire que j’allais chez AliExpress. Désolée.
J’ai grandi avec ça. La relève est née avec des cellulaires dans les mains. Moi, je suis née les mains vides. Mon divertissement, je le créais.
Mais là, on s’voit plus, humains.
Je préfère pogner un virus en frenchant une fille plutôt qu’en tapant « Une mère et sept Chinois » sur Google.
Toujours plus vite. De plus en plus seuls.
Ça me rend triste. Quand je suis triste, je vais manger chez McDonald’s. Là-bas, y’a toujours une caissière pour te donner des sourires gratuits.
Je reste debout, devant le comptoir. Personne pour prendre ma commande. Personne semble me voir. Je panique un peu parce que moi, j’aime ça te dire c’que j’ai envie de manger, Madame la caissière. On partira pas en voyage de noces avec ça, mais au moins, on aura jasé. On aura même vécu un malaise parce que je vais peut-être être game de te dire que t’as une graine entre les dents!
Mais on aura des histoires à raconter.
Ça y est. Je ne vais pas avoir le choix… On en est là. Je déteste me masturber alors pas besoin d’te dire que je redoute la borne libre-service à ma droite.
Je pitonne ma commande, en silence. Aucun contact humain. Pouet pouet. Je prends mon numéro et je retourne patienter, seule, au comptoir.
Les minutes passent…
« Commande numéro 576!!… »
Pas de son, pas d’image.
« COMMANDE NUMÉRO 576!!!!! »
De plus en plus impatiente.
« MADAME!!! Commande numéro 576, c’est vous!!??? »
Je l’ignore et lève finalement les yeux, tranquillement, de l’écran de mon téléphone cellulaire.
Nous voilà quittes. Goûte à ta médecine.
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