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Les comédiens entrent rapidement sur scène, c’est l’appartement de Caro (Karine Gonthier-Hyndman), c’est sa fête, elle essaie de finir son doctorat, elle est en dépression. DJ Hong Kong is in the house! Ses amis arrivent, elle n’y pensait plus, mais ses amis sont là, occupés à faire de cette soirée un moment mémorable. Il veut faire marcher son DJ set, mais ça bogue. Elle veut séduire un beau gars, mais elle manque horriblement de confiance en elle. Il veut la séduire à nouveau, elle est occupée avec un autre, un nouveau. « Ça te dérange-tu si je couche avec? Ça va me faire mal mais j’ai envie d’être généreux. » Elle essaie de séduire le nouveau, lui touche le sexe. (Woo, that escaladed quickly.)
C’est en vitesse que se déroule toute la pièce. Les répliques se relancent sans arrêt, elles se jettent, se rejettent, rebondissent. « [La pièce] est écrite comme une partition musicale. Comme si chaque personnage était dans sa ligne, mais ensemble, ils composent une symphonie, avec des motifs qui reviennent. Au départ, je n’avais qu’une musique en tête, avec plein de répliques se relançant comme un ballet. Mes personnages étaient complètement désincarnés. Ils étaient des machines, pratiquement1 », avouait l’auteur de la pièce, Étienne Lepage, en entrevue au Devoir. Et c’est une symphonie dissonante qui en ressort, du genre de celles qui grincent, familière aux atmosphères des Funny Games de Haneke, ou des films de Dominik Moll. Le huis clos prend le public en otage le temps d’un party qui vire mal, mais qui frôle surtout l’étrange et l’inquiétant.
Puis elle arrive, la prostituée (Larissa Corriveau), sur ses talons d’échassiers, fragile sur pattes comme le petit oiseau mourant dans le coin de l’appartement. Elle se tient droite au milieu du salon, en attendant qu’on l’utilise peut-être. Qui l’a appelée? On ne se sait pas. Mais elle est ici, au milieu de la scène qui tourne, emportée bien malgré elle par le banc de poissons des autres, jacassant sans s’écouter, parlant sans se saluer, dansant sans musique, et fêtant sans bonheur apparent. On se demande ce que tout le monde fait là, au final, dans ce party sans bière qui ne lève pas, avec des amis pas tout à fait attentionnés les uns envers les autres… « On rit jusqu’à ce qu’on réalise que les choses qu’on a trouvé drôles au début ne le sont plus, une fois répétées dans un nouveau contexte. Et les choses qui paraissaient vraies et tendres deviennent risibles à force d’être répétées2 », confiait de manière très juste la comédienne Sophie Cadieux au Huffington Post. On entre dans une valse, ou plutôt une symphonie de malheur, et on en sort avec le sentiment bizarre d’avoir assisté à un party qui vire en cauchemar. La solide distribution contient aussi Maxime Denommée, Mickaël Gouin et Francis Ducharme. La mise en scène est bouclée par Florent Siaud.
La pièce est présentée au Centre du Théâtre d’aujourd’hui jusqu’au 6 mai.
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