Ça fait un moment déjà que je questionne la relation que j’entretiens avec mon téléphone. J’ai un téléphone cellulaire depuis mon anniversaire de 14 ans. Ça fera donc bientôt 8 ans que je trimbale un de ces rectangles électroniques chaque jour.
8 ans, c’est 3000 jours, 72 000 heures, 4 millions de minutes. Si je me fie à ma consommation actuelle, je peux estimer que le sixième de ces minutes-là ont été passées avec un de ces appareils entre les doigts.
En 2011, c’était facile. C’était juste un moyen pour parler avec mes amis en tout temps. Pas besoin d’attendre d’avoir accès au laptop familial ou de trouver par miracle un wifi gratuit avec mon iPod. Mon téléphone, c’était juste un accès plus facile à mon entourage.
Après, c’est devenu un moyen de rencontrer des nouvelles personnes. L’ami d’un ami me donne le numéro d’un de ces amis. On s’écrit, on se drague, on s’ignore dans les couloirs de l’école.
Ma relation avec mon téléphone a changé avec l’arrivée d’Instagram. Ça a commencé avec un certain besoin d’attention, qui s’est transformé de façon maladive en un besoin de validation. Je trackais mes likes, les gens qui s’abonnaient, les osti qui osaient se désabonner. À l’automne de mes 19 ans, j’ai publié une photo par jour pendant 39 jours consécutifs. J’ai gagné une centaine d’abonnés, je me sentais au top. À l’époque, j’entretenais un feed impeccable comme si ma vie en dépendait. Ma chambre était en bordel, mais ça n’avait aucune importance tant que mon Instagram restait flawless. À ce moment, j’étais bien au courant que mon comportement n’était pas sain. Pendant un temps, j’ai laissé ça duré, un jour je me suis tanné.
J’ai commencé par désactiver les notifications Instagram. Ça semble con, mais ça m’empêchait de retomber dans ce thinking chaque fois qu’il y avait de l’activité sur mon compte. Quand je postais une photo, au lieu de fixer l’écran de mon téléphone pendant la demi-heure suivante à compter mentalement les likes, je pouvais penser à autre chose. Cette stratégie, bien que fonctionnelle, ne suffisait pas à me permettre de succomber à l’obsessive thinking que provoque Instagram.
À l’automne dernier, j’ai décidé de briser mon feed. Comme un gros fuck you, j’ai publié une photo complètement foncée pour contraster avec l’harmonisation parfaite de mes précédentes photos. Ça a fait du bien, mais pas assez. J’avais besoin de plus. J’ai commencé à diminuer mon nombre de publications, pour essayer de trouver cette validation dans d’autres sphères de ma vie. J’ai rien publié pendant presque deux mois. Je me sentais même pas mal. J’étais même fier de ce « progrès ».
Cette semaine, j’ai voulu aller plus loin. J’ai décidé de me lancer un défi : 24 heures sans utiliser mon téléphone. J’ai trouvé mon vieil iPod que j’avais en 4ème année, histoire de pouvoir quand même écouter de la musique dans le métro. J’ai donc éteint mon téléphone et je l’ai caché derrière mon sofa. Au début, c’était un peu weird. Je n’arrêtais pas d’oublier que je m’étais lancé ce défi. Ça ne faisait même pas une demi-heure que j’avais commencé que je me suis retrouvé à chercher mon téléphone pendant une bonne minute. C’est arrivé quelques fois dans la soirée. Chaque fois que je me rappelais que j’étais au milieu d’une petite expérience, je ressentais une certaine culpabilité. Mon attachement à ce téléphone était indéniable.
La soirée a continué et je me suis diverti avec un film. Contrairement à d’habitude, j’étais complètement plongé dans le film alors que je n’avais pas d’autres distractions. Vers minuit, j’ai tenté d’aller dormir, mais comme je passe toujours la dernière demi-heure de ma journée à défiler dans l’explore page de Instagram, je n’ai pas réussi à m’endormir aussi rapidement que d’habitude. Le lendemain matin, mon réveil a été vraiment agréable. Je me suis réveillé doucement, avec mon chat, sans me plonger directement dans cet univers virtuel. C’est vers trois heures de l’après-midi que j’ai commencé à moins trippé. Tout seul dans mon appart’ depuis plusieurs heures, j’ai commencé à me sentir un peu loser. Je suis tellement habitué de pouvoir établir un « contact » humain en quelques secondes que l’impossibilité de le faire sans sortir de chez moi était dérangeante. Je m’enmerdais solide.
Vers quatre heures, je me suis dirigé vers le travail, les écouteurs branchés sur mon petit iPod. Il faisait beau et j’aurais aimé prendre quelques photos. N’empêche que j’ai ressentis une certaine liberté de quitter mon appartement sans ma précieuse petite brique électronique. Normalement, je trouve que ma ride de métro est chiante, mais cette liberté me rendait de bonne humeur. Au lieu d’avoir la tête baissée tout le long, plongé dans l’actualité de mon Instagram puis de mon Facebook puis de retour à Instagram, j’avais la tête en l’air, perdu dans mes pensées. Ça fait du bien de se laisser porter et de juste penser.
À sept heures, j’étais en pause au travail et je dois avouer que j’étais un peu blasé. Normalement, cette demi-heure de pause défile super rapidement, mais à cet instant, je me suis surpris à regarder l’heure régulièrement, pensant que ma pause devait être achevée.
Une fois rentré chez moi, je me sentais bien. Je ne m’ennuyais même pas de mon téléphone ni de tout ce qu’il contient. J’ai même considéré poursuivre l’expérience, mais les circonstances d’une certaine situation ne me permettaient pas de continuer, hélas. J’ai donc rallumé mon téléphone avec une fausse joie. D’un côté, j’avais hâte de voir ce que j’avais manqué. De l’autre, je n’avais pas envie de m’y intéresser.
Finalement, je pense que de prendre un certain recul introspectif est important. Ça m’a permis de pousser la prise de conscience qui germe en moi depuis quelques temps. J’aimerais tenter le défi à nouveau, cette fois pour une plus longue durée. Je suis convaincu que j’en retirerais encore plus de bénéfices.
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