J’étais fatiguée. Tout le temps. J’avais pris l’habitude de dire que j’étais « fatiguée par en-dedans ».
Fatiguée au point de faire des siestes tous les jours en revenant de travailler.
Fatiguée au point d’avoir du mal à sortir de la voiture en arrivant de travailler pour aller faire ladite sieste.
Fatiguée au point d’arriver en retard au travail (presque) tous les matins.
Fatiguée au point de m’endormir en parlant à ma mère.
Fatiguée au point où je me suis déjà arrêtée trois fois pour siester entre Saguenay et Québec.
J’avais toujours de bonnes raisons : couchée trop tard, levée trop tôt, pas suffisamment dormi, agenda trop rempli, trop d’écran…
J’étais fatiguée, jusqu’au jour où le diagnostic est tombé : apnée du sommeil sévère. Sévère comme dans « Mais madame, comment vous faites pour avoir l’air normal, vous arrêtez de respirer deux fois par minute, j’ai rarement vu ça dans ma carrière, VOUS NE DORMEZ JAMAIS ».
Rétroactivement, je me dis que j’aurais dû être préoccupée par la situation. J’aurais dû me douter que ce n’était plus normal, mais j’avais tellement bien intériorisé le genre de culte qu’on voue à la fatigue que je me disais heille, fille, tout le monde est fatigué, prends sur toi, serre les dents pis continue; merci au 21e siècle pis ses nouvelles maladies de marde.
Apparemment, lorsque l’argent n’est plus un problème (dans le sens où on en a suffisamment pour subvenir à nos besoins, pas dans le sens où on peut s’acheter un jet privé), la denrée dont on manque le plus, c’est le temps. Entre les obligations professionnelles et personnelles, la vie familiale et sociale, les tentatives de repas sains et l’activité physique, on a tendance à aller gruger dans nos heures de sommeil pour dégager ce temps qui nous manque. Alors qu’un adulte devrait dormir entre 7h et 9h par nuit, Statistique Canada¹ nous informait en 2017 que le tiers des Canadiens ne dorment pas suffisamment. Pourtant, le sommeil est l’un des piliers de notre santé, au même titre que l’alimentation ou l’activité physique. À court terme, le manque de sommeil influence notre faim, notre humeur, notre concentration, notre niveau d’énergie. À long terme, ne pas dormir suffisamment nous expose à un risque accru de maladie cardiaque, de diabète, d’obésité… on peut même en mourir.
Depuis mon diagnostic d’apnée du sommeil, j’essaie d’être plus vigilante et d’être une ambassadrice du sommeil. Malgré tout, je me surprends parfois à faire des compétitions de qui s’est couché le plus tard hier. Je me dis que si on est game de manger des salades de kale et d’arrêter au gym même après une grosse journée de travail, on devrait s’accorder les huit heures de sommeil qu’on mérite. Et pendant qu’on est occupé à devenir une meilleure version de nous-mêmes, le reste peut attendre.
1 Chaput, J.-P., Wong, S. L., Michaud, I. (2017). Durée et qualité du sommeil chez les Canadiens âgés de 18 à 79 ans. Repéré sur le site de Statistique Canada: https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/82-003-x/2017009/article/54857-fra.htm