J’attendais mon autobus, encore 15 minutes… le ventre me gronde. Je traverse la rue, ouvre la porte lourde du dépanneur, les lumières me brûlent le coin des yeux. Je m’attarde longtemps devant le rack de chips. C’est rare que ça me pogne, manger des chips, mais là, c’est plus fort que tout au monde. Mais c’est une décision ardue à prendre, texture, saveur, prix, grandeur. C’est plus facile de me choisir une bouteille de vin cheap, le commis me carte, je trouve ça cute, il doit avoir la moitié de mon âge.
J’arrive enfin chez moi, ça sent encore l’encens que j’ai fait brûler ce matin avant de partir travailler. Mon chat me miaule après comme si j’étais partie depuis deux semaines. Pauvre petit. Il fait un peu froid chez moi, c’est ok. C’est petit et vide, j’ai pas pris le temps de m’installer comme du monde encore. Peut-être un jour. Je sors une coupe de vin, mes crayons de couleur et mes mandalas, pis je double dip mes chips dans la salsa. YOLO. Céline Dion me chante l’amour à l’oreille.
Ça me rappelle que ça fait trois mois. Trois mois pas de sexe, pas de becs dans le cou, pas de dodos collés. Pas de repousse de barbe qui me picote dans le cou.
Trois mois que j’arrive chez nous, dans le froid, dans le noir, dans le silence. Personne pour m’attende ou avec qui m’obstiner pour savoir quelle saveur de chips qu’on va acheter, ou pour me dire que ça pue l’encens, ou pour m’apporter presque de force avec lui dans une soirée avec ses amis.
Pis maudit que c’est le fun.
Réapprendre sa couleur préférée, me rappeler que j’hais ça le pâté chinois, pas avoir à partager mes muffins au chocolat, pis faire l’étoile dans mon lit.
Passer 30 minutes sur Netflix à essayer de choisir quelle série-télé écouter, laisser faire pis aller au bar finalement. Rester là sans que personne capote sur mon absence.
Pas souper, oublier de déjeuner, manger un déjeuner pour souper.
Pas me raser, ou me raser comme je le sens.
Écouter mes tounes quétaines plates, en boucle pis brailler un peu après quelques verres, maudit qu’elle est bonne Céline.
Vivre dans ma bulle, m’aimer moi avant d’aimer quelqu’un d’autre.
Que ce soit juste ma meilleure amie qui me texte, qui m’envoie des gifs de chats.
Juste vivre, sans être accrochée, sans m’accrocher.
Ma solitude, c’est mon bonheur. Mon silence c’est mon antre.
Moi pis mon âme on se retrouve en choisissant toute seule nos chips « prefs », pis moi pis mon corps on apprend à vivre un peu dans le froid, en étoile, sans cuillère.
Pis moi pis mon cœur, on est légers, on sourit, on se laisser aller.
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