Avril.
Avril, c’est le mois de la sensibilisation de bien des choses.
C’est le mois de la jonquille, où l’Association canadienne du cancer fait une immense campagne pour financer la recherche. On connaît tous quelqu’un qui soit atteint du cancer. C’est important, la recherche sur le cancer. Trouver des remèdes, des traitements pour améliorer les conditions de vie, des traitements pour prolonger la vie, des traitements pour sauver la vie…
Avril, c’est aussi le mois de sensibilisation à l’autisme. L’autisme, qui augmente de façon exponentielle au fil des années. J’ai rencontré tellement de parents à bout de souffle et sans ressources. C’est important de leur venir en aide. J’ai aussi rencontré des gens extraordinaires, atteints de ce trouble. Ils m’ont appris à voir des merveilles dans notre monde que j’avais tenues pour acquis. La sensibilisation est importante pour venir aider les parents, pour venir aider les personnes atteintes du trouble, pour réduire la stigmatisation des comportements qui sortent de vos normes sociales.
Avril, c’est aussi le mois de la sensibilisation à la maladie du Parkinson. Je dois avouer avoir très peu de connaissances sur celle-là. On en parle peu. On dit que les cinq premières années de la maladie, la médication agit comme un charme. Ensuite, c’est là que tout devient plus difficile. Il paraît que tout finit par dégénérer. On en parle peu de celle-là. Et pourtant…
Là où je veux en venir, avec mes trois paragraphes d’introduction, c’est qu’avril, c’est aussi le mois de la sensibilisation aux infections transmissibles sexuellement et par le sang. Pour les intimes, on les appelle les ITSS, ou avant ça c’était les MTS.
« Bon! Encore quelqu’un pour nous dire de mettre un condom et connaître le passé sexuel de son (ses) partenaire (s) avant tout contact sexuel. »
J’imagine que tout le monde connaît le discours habituel. Chacun a dû l’entendre plus d’une fois. C’est un classique à l’école secondaire. Et ça reste après. Tout le monde a eu une éducation sexuelle différente. Je ne crois pas me tromper, par contre, en disant qu’on a sûrement tous appris les 1001 dangers de la sexualité avant d’en connaître les avantages. Je ne m’aventurerai donc pas dans la branche de la prévention et de la peur avec des statistiques effrayantes.
J’aimerais plutôt vous parler du lourd stigma incroyablement difficile que l’on réserve aux personnes atteintes d’ITSS. Les personnes derrière ces statistiques effrayantes. Les personnes que vous blessez, quand vous faites des gags du type « Ark, celle-là je ne lui toucherais même pas avec un bâton de 10 pieds tellement elle doit avoir de bibittes! », ou toutes les autres blagues à caractère péjoratif qu’on dit entre amis (es) envers les personnes atteintes d’ITSS, que l’on vise sans même s’en rendre compte.
Juste dans le fait d’utiliser l’expression « Je suis clean », on insinue qu’une personne porteuse d’une ITSS est sale?
Une ITSS, ce n’est pas du négatif tout le temps. Il ne faut pas dénigrer et rabaisser les gens qui en ont une. Me jettera la première pierre celui ou celle qui n’a jamais eu la tentation de la luxure! Contracter une ITSS, c’est gagner à la loterie de la malchance. Le 60 millions de Loto Max est nettement plus attrayant par contre, je ne mentirai pas! Reste que ça peut arriver à n’importe qui qui se procure un billet. On sait jamais. Peut-être vous, peut-être moi. Cette fois-ci, c’est moi, la gagnante de malchance. Hier, c’était peut-être vous ou ce le sera peut-être demain…
Pour ma part, j’ai gagné le jackpot. Rien de moins. Une ITSS à vie, contractée même en utilisant la protection ultime dont on me fait la promotion depuis l’entrée au secondaire. Bin oui toi! Contracter une maladie avec le condom. Ça arrive aux meilleurs (es) d’entre nous de gagner la loterie!
Quand tu sors avec une prescription d’antiviraux de la clinique après qu’un médecin t’ait dit « Ahhhh! Ça, ma belle, c’est juste une petite crise d’herpès. » de la même manière qu’on annoncerait à quelqu’un qu’il a un rhume, les mots que tu te dis sont les pires insultes au monde. Les mots discriminants, les insultes, les blagues poches, tu te les répètes sans cesse. En boucle. Sans arrêt. Tout le temps.
Ta bonne conscience, en pilote automatique, envoie un message texte au seul partenaire récent. Ledit partenaire répond : « C’est pas le sida, capote pas. Anyway, j’ai pas ça, moi. ».
Quelque part, est-ce que je peux lui en vouloir de croire qu’il n’est pas porteur ? Les femmes sont plus à risque de développer des symptômes, alors que les hommes demeurent souvent asymptomatiques.
Arrive le moment où tu vas chercher la médoc à la pharmacie, avec le mot HONTE écrit dans la face. Puis, directement en sortant, tu googles le nouveau virus qui circule en toi. À vie. Heureusement, en sortant de la pharmacie, le hasard a fait en sorte que j’aie croisé une amie. J’ai éclaté en sanglots. On est allées prendre une bière sur le divan du balcon. Pis là, elle, son coloc (qui était un bon ami à moi) et moi, on regardait le trafic passer, sans rien dire (merci les amis, vous m’avez fait un grand bien ce soir-là).
Tu finis par l’annoncer à ta mère. À ta meilleure amie. À deux ou trois autres amis (es). Tu finis par réaliser que les gens semblent être plus curieux sur le sujet que méchants. Tu réalises que la personne la plus méchante avec ton virus, c’est toi-même. Tranquillement, le processus chemine pis ton HSV-I, tu finis par l’accepter. Pis tu fais même tes propres blagues malaisantes à propos de lui avec tes amies.
Les gens ne semblent pas toujours comprendre les modes de transmission. Je les comprends, ça m’a pris plusieurs heures de lecture pour comprendre ma maladie. C’est pas simple. Une fois que tu comprends que t’es uniquement contagieuse quelques jours avant l’apparition de symptômes et non en tout temps, que tu comprends qu’une femme ne transmet que 3% à 4% du temps le virus aux hommes et que ça ne se contracte clairement pas sur un siège de toilette, la vie est belle tsé !
Après avoir accepté son virus, le plus gros pas, c’est d’en parler. Briser la stigmatisation. De nos jours, ce sujet ne devrait pas être associé à des termes dégradants ou dégueulasses. Apprenez à changer certains mots dans votre vocabulaire. Juste au cas où …
Je vous laisse avec ma statistique effrayante. Au Canada, l’herpès n’est pas une maladie à déclaration obligatoire. Il est donc difficile d’en calculer sa réelle prévalence. Par contre, en 2013, on estimait à 20% les taux de personnes porteuses du HSV-I ou HSV-II (Herpes simplex virus de type 1 [bucal] ou 2 [génital]).
Ça donne 1 personne sur 5… Regardez autour de vous.
Si vous, vous êtes clean, moi, je suis loin d’être sale!