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Fait que j’étais sur le site web de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC : je cherchais une recette de biscuits-déjeuner que j’ai perdue et que j’avais initialement prise sur leur site. J’ai remarqué un onglet « Femmes ». Femmes? Comment ça, un onglet « Femmes »? Je n’en ai pas encore parlé ici, mais mon activité bouffeuse de temps préférée, c’est faire des clics sur internet. Fait que j’ai cliqué sur l’onglet. Et j’ai pu lire, en très grosses lettres :
« Chez les femmes, les lacunes en recherche et en diagnostic causent beaucoup trop de décès. Comblons le fossé en recherche et mettons fin à la mort évitable des femmes. »
Je suis une femme. Je peux personnellement témoigner du sexisme ordinaire qu’on vit parfois dans les cabinets médicaux, comme cette fois où le médecin de garde m’a reçu avec un très paternaliste : « On va r’garder ça, ce p’tit mal de gorge de fille là! » J’avais les amygdales tellement enflées qu’il a eu un moment de silence avant de dire : « … vous vous sentez comme ça depuis quand?… et vous avez attendu tout ce temps-là?!… » BEN OUI TOÉ, TU PARLES D’UNE IDÉE DE FOU, J’AVAIS PEUR QU’ON ME PRENNE PAS AU SÉRIEUX! Ou comme ces fois où des femmes se ramassent dans le bureau du médecin en expliquant que chaque mois, depuis qu’elles ont 13 ans, elles ont l’impression que l’intérieur de leur corps veut fendre en deux, qu’elles doivent s’absenter du travail ou de l’école, qu’elles se ramassent même parfois à l’urgence parce que des caillots de sang de la taille de fœtus (!!) sortent de leur corps, que ça ne devrait pas être normal de devoir vivre avec une telle douleur tous les mois de sa vie reproductive. Réponse? Prends deux Motrin pis r’tourne chez vous.
Mais je m’égare. Le sexisme ordinaire dans les cabinets médicaux, donc, c’est connu. Mais là, on ne parle plus de petit sexisme de base : on parle de fossé en recherche et de morts évitables.
Le fossé en recherche, c’est quoi?
Pendant de très, très nombreuses années, on a mené les recherches médicales sur des hommes blancs d’âge moyen. C’était plus facile : pas de fluctuations hormonales à gérer, pas de candidats dont la santé risquerait de flancher en cours d’étude, faussant ainsi les résultats. On a même mené des études sur des cancers gynécologiques avec… des hommes. Ce sont les États-Unis que se sont réveillés en premier : en 1993, les National Institutes of Health (NIH) publient des lignes directrices afin de s’assurer d’inclure les femmes et les minorités dans les études. Te souviens-tu de 1993? Moi oui : mon plus jeune bébé frère a eu un an, Bill Clinton a été élu et Jurassic Park est sorti au cinéma. Ce que je veux dire par là, c’est : 1993, ça fait pas long! En Europe, il a fallu attendre les années 2000 pour que la communauté scientifique ait la même révélation. Maintenant, même si les femmes sont plus systématiquement incluses dans les études, on ne pense pas toujours à stratifier les résultats selon le sexe et le genre, alors on passe encore parfois à côté de la cible.
Ça fait quoi, en vrai, le fossé en recherche?
Ça fait que le sous-diagnostic des femmes pour certaines maladies mettent leur vie en danger. Sur le site de la Fondation des maladies du cœur, on peut lire que :
- les 2/3 des essais cliniques sur les maladies cardiovasculaires portent sur des hommes;
- les symptômes de crise cardiaque passent inaperçus chez 53% des femmes;
- et donc, les maladies du cœur et l’AVC sont les causes principales du décès prématurés chez les femmes.
Non seulement on sous-diagnostique les femmes, mais lorsqu’on les traite, on leur donne une médication qui a été éprouvée… pour des hommes. Toutefois, notre sexe peut influencer la façon dont notre corps absorbe, métabolise et élimine les médicaments, ce qui fait que le traitement optimal d’une femme pourrait ne pas être le même que celui d’un homme.
Maintenant que les différentes institutions mondiales de recherche en santé ont eu cette révélation divine que le masculin ne peut pas être une norme, souhaitons que le fossé se comble et que les femmes obtiennent de meilleurs soins. En attendant, je vais aller réécouter Jurassic Park.
Pour en savoir plus :
- Genre et santé : prendre en compte les différences, pour mieux combattre les inégalités (2016). Repéré à https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/genre-et-sante
- Femmes|Fondation des maladies du cœurs et de l’AVC. Repéré à https://www.coeuretavc.ca/femmes
- Johnson, P. A., Fitzgerald, T., Salganicoff, A., Wood, S. F., Goldstein, J. M. (2014). Sex-specific Medical Research : Why women’s health can’t wait : A report of the Mary Horrigan Connors Center for Women’s Health & Gender Biology at Brigham and Women’s Hospital. Repéré à https://www.brighamandwomens.org/assets/BWH/womens-health/pdfs/ConnorsReportFINAL.pdf
- Roebuck, J., Mason, R., Rochon, P. (2019). There’s a health gap in Canada – and women are falling through it. The Globe and Mail. Repéré à https://www.theglobeandmail.com/opinion/article-theres-a-health-gap-in-canada-and-women-are-falling-through-it/
- Perreault, M. (2018). Les femmes et les aînés désavantagés en cardiologie, selon une étude. La Presse. Repéré à https://www.lapresse.ca/sciences/medecine/201808/01/01-5191516-les-femmes-et-les-aines-desavantages-en-cardiologie-selon-une-etude.php