À force de collectionner les introspections et les extrospections sur des post-its dans ma chambre, j’ai pris conscience d’un phénomène qui me dérange un peu et de plus en plus, je dois dire. Aussi, je dois dire que ça m’échappe. Je veux dire, j’ai de la difficulté à me figurer pourquoi on le fait. Pourquoi il faut absolument, parce qu’à vrai dire, il ne faut pas. Pas du tout. Peut-être que c’est par paresse, ou par peur, je ne sais pas trop. L’approfondissement et l’investissement demandent de l’énergie, oui oui. Et du temps. Du temps qu’on ne tient qu’entre les doigts. Peut-être que c’est ça. De pleine, de demie ou d’inconscience, je crois qu’on le reproduit tous, qu’on le ressent tous et qu’on en souffre tous à de différents degrés. Ça nous colle à la peau et à la place de s’aider à se retirer la colle des papiers sur nos corps, on continue à s’en tapisser. Et ce n’est jamais assez. Jamais assez.
Des étiquettes comme un besoin fondamental de catégoriser les gens pour se permettre de les approcher ou de les fuir. Des post-its comme pour résumer très sommairement une personne par un trait qui représente 1% de son être, moins encore. Pourquoi faut-il se catégoriser selon nos bêtises, nos épreuves, nos faiblesses? Je veux dire, est-ce qu’on ne pourrait pas être simplement des humains? C’est tout et tout simplement. Puisque c’est ce que nous sommes, n’est-ce pas? Je crois qu’on vaut plus qu’un simple titre, qu’une simple catégorie instaurée par une société en soif de tout posséder, en faim de tout catégoriser pour ressentir l’illusion de tout connaître et de tout savoir. On ne prend pas le temps de concevoir un individu comme un être complexe, nuancé et en devenir. On saute tout de suite à la facilité de poser un post-it sur son front. Et c’est vrai que c’est plus facile de parler d’une personne en prétendant tout connaître. C’est vrai que c’est plus rapide de les placer dans cette catégorie ou dans l’autre d’à côté, pis c’est vrai que ça demande moins d’investissement de les définir par mots-clés, mais mon Dieu que tout perd son sens. Que la vie perd son sens. Que les connexions perdent leur sens. Les plus belles relations sont celles dans lesquelles on s’expose le plus. Elles sont celles dans lesquelles on creuse dans l’autre, celles qui demandent le plus de temps, d’énergie et de compréhension. Avec celles-ci, y’a pas moyen de s’en sortir avec de simples résumés sur Wikipédia, mais c’est avec celles-ci qu’on s’étire le cœur à distance d’élastique sans se pincer les doigts. C’est avec celles-ci qu’on apprend véritablement l’acceptation, la tolérance et la bienveillance.
Si vous voulez mon avis, on ferait mieux de retirer tous les post-its qu’on s’est posés sur le corps au fil de nos vies et de s’apprendre par cœur pour une fois. Pour une simple fois.
Par Mélina Gagnon
Audrey Dumont