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Scoliose

Source: Unsplash

J’ai hésité presque quatre ans avant de me décider à finalement écrire cet article. J’ai souvent écrit sur la santé mentale, l’anxiété ou même la culture de la diète, mais jamais sur ce sujet bien spécifique: la scoliose. Ma scoliose. 

Je me suis récemment posé la question: qu’est-ce qui m’empêche d’écrire sur une maladie qui fait partie de moi depuis douze ans? La réponse est pourtant simple: je ne vois pas la scoliose du même oeil que je vois les autres aspects de ma vie. Je suis à l’aise de dire que je fais de l’anxiété et que je regarde parfois le plafond pendant des heures avant qu’une once de rationalité vienne calmer mon mental. J’ai l’impression « qu’être stressé.e » est désormais normalisé et que le trouble anxieux se confond avec le rythme effréné auquel va notre vie. 

En revanche, je n’arrive pas à soutenir le regard de quelqu’un qui observe mon dos, visiblement alerté. C’est tabou la scoliose. « As-tu mal? Ça a l’air douloureux ». Avec les années, mes côtes se sont habituées à héberger un serpent à la place de ma colonne vertébrale et maintenant, c’est ma cage thoracique en entier qui se déforme à son tour: ça s’appelle la gibbosité. Je devrais savoir remercier mon corps pour sa merveilleuse capacité à s’adapter à une colonne qui ne cesse de se tortiller…mais on repassera pour la gratitude. 

Je suis tout de même choyée, je n’ai mal que très rarement. Dans mon cas, ce qui pèse le plus, c’est de ne jamais trouver le chandail parfait dans lequel je me sens à l’aise de bouger, sans avoir peur qu’on remarque que je ne suis pas symétrique. C’est de choisir le maillot de bain qui couvrira adéquatement mon dos et de ne jamais me pencher vers l’avant, de peur de rendre ma scoliose plus visible qu’elle ne l’est déjà.

Quand j’avais neuf ou dix ans, j’ai commencé à porter des corsets: des blocs de plastique adaptés à mon torse, portés la nuit et censés redresser mon dos un nombre d’heures suffisantes pour paver la voie à ma colonne vertébrale et espérer qu’elle obtempère et décide de se redresser par elle-même. Hélas, je ne suis pas la seule à être entêtée: mon dos continuait de se tordre. 

J’ai donc porté des corsets de jour. J’ai dû demander plusieurs fois à mes amies de lacer mes chaussures au début de mon secondaire, le bloc de plastique m’empêchant de me pencher. J’ai dû apprendre à une amie comment m’aider à mettre mon armature lors des soirées pyjama.

Malgré tous les efforts et tous les corsets que mon dos a consommés à travers les années, j’ai tout de même été opérée en octobre 2014, six vis de métal dans les vertèbres, retenues par des tiges souples. Heureusement pour moi, je ne déclenche pas l’alarme de sécurité des douanes à l’aéroport. 

Je croyais m’en être finalement sortie, mais il faut croire que ma colonne vertébrale est plus sournoise que la médecine, puisque la courbe n’a pas cessé de progresser: dans moins de deux mois, je serai de nouveau sur la table d’opération. Cette fois, les médecins seront plus agressifs et ma colonne sera fusionnée. Je commence mon deuil de la plupart des postures de yoga et du déhanchement dans les bars. Je devrai, en quelques sortes, apprendre de nouvelles façons de bouger. Je fais confiance à ma cage thoracique: elle m’a prouvé avoir une belle capacité d’adaptation. 

La scoliose est beaucoup plus commune qu’on ne le croit et pourtant, elle reste méconnue. Ce n’est pas en portant une seule bretelle de ton sac à dos que tes vertèbres vont crochir. (Tu peux quand même te blesser, mais tu ne développeras sûrement pas une scoliose!) C’est une maladie, la plupart du temps idiomatique ou génétique. Ça signifie qu’on ne sait pas ce qui la déclenche ou que ce sont des prédispositions liées à un historique familial qui augmentent les chances d’en développer une. 

Bref, oui, je suis encore gênée par mon dos et j’ai encore de la difficulté à avoir confiance en moi. Mais je sais aussi que ce n’est pas en refusant d’aborder le sujet et en tentant de faire comme si cette maladie n’existait pas que je vais réussir à l’accepter. La prochaine fois que tu vois la cage thoracique un peu déformée d’une personne courageuse, qui a choisi de porter un maillot de bain révélateur sur une plage, sache qu’elle a une scoliose, c’est tout. Elle n’a pas envie de pointer là où ça fait le plus mal et de se pencher pour qu’on voie mieux la courbe. Son dos n’est pas un spectacle. Et si c’est toi qui lit ses lignes et qui vis avec une scoliose, je te souhaite de constater que tu es bien plus que ta colonne vertébrale et que ce n’est qu’une infime partie de ce qui fait de toi qui tu es. 

Je suis scoliotique. Mais je suis aussi une étudiante, une amie, une soeur et une fille. Je refuse de laisser ma scoliose, mes cicatrices et ma peur de porter certains vêtements m’empêcher de vivre ce dont j’ai envie. 

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