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Depuis un certain temps déjà, j’ai commencé à formuler pour moi-même une théorie sur la sauce à spaghetti (comme plusieurs d’entre vous, à n’en pas douter). Plein de petites observations, cueillies ici et là, hachées finement, bien mélangées et que je laisse mijoter à feu moyen vif. Bon, la recette n’est pas encore tout à fait au point, il manque sans doute un peu de sel ou de piment de cayenne et la texture n’est pas encore idéale, mais je me lance : on peut apprendre beaucoup de choses d’une personne par sa sauce à spaghetti. Aux chercheurs de ce monde, il y aurait matière à faire une formidable étude sociologique.
Les variantes
Bien qu’il s’agisse d’une recette traditionnelle des plus populaires, la sauce à spaghetti propose mille variantes. Chacun·e a ses épices secrètes, ses mesures, sa petite touche d’amour à ajouter au mélange. Pour un œil moins averti, ces changements peuvent paraître futiles, mais les expert·es y verront autant d’indices qui en disent long sur le chef.
Les options :
- Les protéines : bœuf haché, porc haché, cheval haché (scandale!), sans viande, pois chiche
- Les légumes : piments, oignons, carottes, champignons, zucchinis, céleri
- La base : tomates en dés, sauce tomate, pâte de tomates, jus de tomates, ketchup
- L’assaisonnement : piments, feuilles de laurier, clou de girofle, basilic, ail, chili, paprika, sauce HP
« Ok, Fauve, c’est quoi l’affaire? Ça change quoi que je mette ou pas des champignons dans ma sauce? »
Dans les faits, ça ne change rien. Mais voici comment ces variantes peuvent s’avérer des plus révélatrices. Le choix de la protéine, par exemple, peut témoigner de la situation sociale ou financière de quelqu’un ou d’une position environnementale. La présence des carottes divise souvent les gens en deux équipes distinctes, entre ceux qui aiment sa touche plus sucrée et les autres. Voici d’autres exemples en rafale : les piments forts, le niveau de tolérance aux risques. Viande et pois chiches, inventivité en cuisine et fort apport en protéines pour les grands sportifs notamment. Beaucoup de légumes, quelqu’un de créatif et coloré. Peu d’ingrédients, aspect terre à terre ou pratico-pratique.
« C’est pas bête ton affaire, sauf que t’as clairement trop de temps libre. »
La fierté
On ne se le cachera pas, plusieurs d’entre nous éprouvons un fort attachement envers notre sauce à spaghetti. Combien de personnes pensent avoir la meilleure sauce maison? (Vous pouvez baisser la main, je ne vous vois pas.)
Quand on fait goûter notre sauce à spaghetti à quelqu’un pour la première fois, on est toujours un peu fébrile. On tend l’assiette fumante à nos invités avec un grand sourire. « C’est ma sauce maison, vous m’en donnerez des nouvelles! », dirons-nous le regard pétillant. Alors qu’ils mangeront leur portion, on dégustera la nôtre en scrutant les visages à la recherche d’un signe d’approbation. Un sourire, un clignement de paupière plus long que les autres, un hochement de tête. Autant de preuves qui viennent confirmer ce que l’on savait déjà : que notre recette, c’est la meilleure.
Comme le dirait Linda Lemay : « La plus forte, c’est ma sauce. »
Plus que de la nourriture
Tout au fond de nous, on sait que le secret de notre sauce à spaghetti ne repose pas tant dans ses ingrédients. C’est quelque chose de plus profond que l’on porte en soi. C’est un réconfort, une source de bonheur, un refuge. C’est un peu de nous et beaucoup de notre histoire. La sauce à spaghetti, c’est tellement la vie, genre.
On a souvent hérité notre recette d’un être cher. On va tester celles de Ricardo ou de Marilou, mais quelque chose nous ramène à notre sauce ou, disons-le, à celle de notre grand-mère. Parce que les grands-mamans sont les vraies magiciennes derrière la sauce à spaghetti. Elles ont dans les doigts la pincée de sel nécessaire, dans le couteau la quantité exacte d’oignons. Elles y mettent précisément tout ce dont on a besoin pour se sentir chez soi.
« Bon, l’experte du spag, vas-tu finir par nous la donner ta recette? »
Ok, ok! Puisque vous insistez, la voici ma sauce.
Les ingrédients :
- Les fous rires de ma grand-mère auxquels personne ne résiste et qui s’étirent toujours plus longtemps, mais jamais assez à mon goût.
- La grosseur des portions de mon grand-père qui défiait les lois de la gravité pour former un mini mont Everest.
- Les petits cœurs en papier de soie que ma cousine et moi avions mis sur les pales du ventilateur pour que pleuve l’amour.
- Des pâtes toujours trop cuites qui atteignent une circonférence étonnante et que l’on mastique plus pour la forme que par nécessité.
- L’appel magique et la voix de Grand-maman au bout de la ligne qui disait : « Venez-vous dîner? J’ai fait ma sauce. »
Oui, Grand-maman, j’arrive! Je termine ma phrase, enregistre mon texte, envoie mon article à La . Je serai là dans une minute pour manger la meilleure sauce à spaghetti du monde entier!
Crédit photo: Fauve Jutras
Crédit photo: Jason Leung
Source: Unsplash