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santé mentale

J’ai décidé de faire ce texte afin de partager mon expérience liée à la santé mentale, mais cette fois-ci, pas du côté de l’intervenant, plutôt du côté terrifiant du patient atteint d’une problématique de santé mentale. Justement, puisque je prône tous les jours, dans mon travail d’infirmière, la déstigmatisation des troubles psychiatriques, cela s’applique également à moi-même lorsque la mienne se trouve déséquilibrée.

Mise en contexte : Je suis une jeune infirmière. Je travaille en santé mentale à domicile en plus de poursuivre mes études à l’université à temps complet. Depuis trois ans, je suis une machine; je performe, je donne toute mon énergie dans ces deux sphères de ma vie. Plus le temps avance, plus le sommeil se fait rare, plus les activités sociales disparaissent, plus je néglige mon couple et plus je deviens dead inside.

C’est ironique, non? Quotidiennement, auprès de mes patients, je les encourage à avoir un bon équilibre de vie, à bien gérer leur stress, leur anxiété, à avoir de saines habitudes de vie, etc. Faites ce que je dis et non ce que je fais.

Peu avant mon arrêt de travail, j’évaluais le risque suicidaire de mes patients, entre deux pensées passives de mort qui me traversaient l’esprit. Mais je devais rester forte et continuer à faire ma job. Un, deux, trois, cinq cafés par jour étaient nécessaires pour demeurer efficace. Et le soir? Un petit Bénadryl pour m’endormir, car mon esprit ne s’arrêtait pas. Pas bien bien sain comme mode de vie, pour une infirmière. Et pourtant, le déclic ne se faisait pas. C’est comme si c’était normal de devoir compenser comme cela. On virait cela en humour entre collègues, car je n’étais clairement pas la seule à me sentir comme cela.

Puis, mon corps, mon âme a crié STOP. Première crise de panique depuis les cinq dernières années. Je crois mourir. Je prends mes pompes pour l’asthme, car subconsciemment, je préfèrerais avoir une atteinte physique plutôt que mentale. Mais aucun changement suite au traitement. Je n’ose pas réveiller mon chum. Je me pop quelques Bénadryl et puis dodo, le calme revient.

C’est là que j’ai réalisé que j’avais laissé ma santé mentale se détériorer. Après trois ans à me faire passer après tout, trois ans à courir et à essayer de garder le cap avec le rythme effréné de notre société, mon corps tombe en plein milieu du sprint. Ça heurte l’égo en maudit, surtout quand on idéalise le fait d’être performant.

Aller chercher de l’aide a été plutôt simple; par chance, je connaissais bien les ressources.

Accepter la prise de médication, ça, c’est une autre histoire. Et pourtant, je le sais que ça a ses bénéfices, j’encourage mes patients à prendre la leur, mais quand cela vient notre tour, tout est différent. J’accepte finalement de débuter un antidépresseur de type IRSN dans le but que ma sérotonine redevienne normale.

Mais, il y a un traitement beaucoup plus durable à long terme: la psychothérapie. Je suis chanceuse, mon employeur offre cinq séances avec le Programme d’aide aux employés. C’est mieux qu’un coup de pied aux fesses, mais ce n’est pas cinq séances qui régleront mes problèmes. Je ne peux pas choisir mon thérapeute, par contre. On m’en assigne un avec qui ça clique pas vraiment. Finalement, après un mois, je trouve la psychologue de rêve, la perle rare. Je suis chanceuse, heureusement que j’ai des assurances, car on s’entend qu’au privé, ce n’est pas tout le monde qui peut se payer un psychologue. C’est un luxe. Je me sens alors mal pour mes patients qui doivent attendre jusqu’à un an pour avoir un psychologue dans le public… Beau système de santé.

Un système de santé qui manque cruellement d’empathie. Je comprends mieux pourquoi les gens craignent d’aller chercher de l’aide psychiatrique. La peur du jugement, la peur d’être infantilisé, la peur de devenir un numéro parmi tant d’autres et la crainte de se faire écouter cinq minutes et de repartir avec une prescription et une tape dans le dos. Mais je suis chanceuse, je suis traitée comme une humaine par mon médecin de famille, je me sens soutenue et écoutée.

Mon rétablissement me semble interminable. Une montagne russe. Mais comme ma psy me le répète souvent, c’est un marathon et non un sprint. Je dors mal. Mon anxiété contrôle ma vie. La culpabilité est ma nouvelle émotion préférée. Me laver devient une tâche digne d’escalader le Mont Everest. De l’énergie et de la motivation? Je ne me rappelle plus c’est quoi! Des gens me répètent de me botter les fesses, d’aller faire du sport, de bien manger et d’arrêter de stresser pour rien. Je me sens encore plus coupable. Ce qui me choque, c’est que je ne suis pas aveugle, je le vois bien que je suis au fond, que mon estime de moi-même est quasi-inexistante. Je pense à plusieurs reprises à la mort et à quel point ce serait une échappatoire. Mais je continue de m’accrocher à la vie.

Puis, heureusement, des rayons de soleil commencent à percer. Mes journées sont fluctuantes, loin d’être parfaites, mais je commence à voir quelques améliorations encourageantes. Je dors un peu mieux, je m’active plus et je suis capable d’avoir réellement du fun.

À ce jour, je ne suis pas encore sortie du trou, mais je continue de bâtir mon échelle qui me remonte tranquillement pas vite à la surface. Je me donne le temps, le temps pour me retrouver, pour m’épanouir et reprendre goût à la vie. Mes patients méritent une infirmière bien groundée dans sa peau et dans sa tête, parce qu’on ne peut pas aider les autres si on est soi-même en train de couler.

Je vois cette période de vulnérabilité comme étant positive. Je sais que cela me rendra davantage empathique envers mes patients. Je comprends aussi que personne n’est immunisé à un trouble de santé mentale. Je saisis davantage pourquoi on dit que le système de santé québécois, et surtout au niveau des soins en santé mentale, a encore du chemin à faire.

Prenez soin de vous. Vous êtes la personne la plus importante dans votre vie, celle avec qui vous passerez le plus de temps. C’est si important de s’aimer.

SI VOUS AVEZ BESOIN D’AIDE : 1 866 APPELLE (1 866 277-3553).

Anonyme

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