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Respirer le paysage

Respirer fort, tellement fort, que le paysage en tremble. Asphyxier l’horizon avec l’aspiration toute entière de notre être jusqu’à s’évanouir dans la poésie d’une forêt vierge.

Vouloir mourir de beauté.

La vie est appel vers l’euphorie de la jouissance et il y a de ces moments, de ces endroits dont le seul fait d’être tout en regard constitue un indicible bonheur. Le paysage était là, à souffrir de notre absence, à maudire nos soucis, à espérer notre délivrance en lui. C’est toujours une rencontre ; le panorama se tourne vers nous pendant que nous balayons son immensité du regard. Il nous enveloppe, s’interroge et ne livre ses secrets qu’à mesure où nous nous livrons corps, cœur et âme à lui. Et ce n’est que lors de l’atteinte d’une parfaite corrélation entre le dedans et le dehors ; que lors de l’indistinction des frontières entre le moi et le cosmos que se produit l’entrelacement tant attendu : je suis le paysage et le paysage est moi. Nous parlons le même langage et nous sommes béance vers la même beauté. Le temps n’est rien ; l’éternité est un point de fuite entre les collines embrumées de l’aurore.

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Comment se détourner de tels moments? Comment reprendre le rythme du chrono? Parce que la vie n’est pas que contemplation, s’ouvrir à la beauté du monde, c’est également s’ouvrir au deuil de ces perspectives dont il faudra se séparer ; de ces atmosphères d’absolue quiétude ; de ces heureux piaillements qui vrillent anonymement au-dessus de nos têtes ; de la transpiration de la rosée sur nos peaux.

Je suis un spécialiste des relations à distance. Ma mémoire s’impose avec la fermeté d’un empoignement, elle sait se faire présence totale dans le présent. Je suis une galerie de paysages, une suite de tableaux romantiques, un puits infini de couleurs, d’odeurs, de lignes, de musiques. Le tout cristallisé en mots. J’ai découvert que le spectacle de la nature n’est rien. Il lui manque l’impulsion d’un cœur battant, les sueurs perlées d’un rameur parcourant le dos d’un lac ou d’une rivière, les jambes accablées du randonneur. Il faut laisser quelque chose de son corps, de son énergie vitale pour qu’un transfert puisse se concrétiser. Il faut faire défiler le cosmos à toute allure et le vivre éphémèrement pour s’imprégner de son éternité.

Il faut se lier à lui. À l’intérieur du baiser qu’on offre à son amoureux.se ou du « Je t’aime » d’une douceur sans fin qu’on lui murmure, il faut que s’imbibe tout l’amour pour les territoires vierges. Il faut savoir capturer le vent dans la dérive horizontale d’une chevelure rousse, suivre des mains la sinuosité des hanches, une rivière. Il faut savoir déchiffrer, à même le brouillard caressant la cime des arbres et par une alchimie des contrastes, l’horizon tout à fait dégagé des sentiments qu’on porte pour un être aux yeux tristes.

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Le paysage n’est rien. Il s’intègre à notre être quand il circule dans notre vie, lorsqu’il s’imprègne de notre corps, de nos amours, de nos folies. La beauté doit s’imbriquer au sens de notre vie pour qu’elle en décuple au centuple la portée.

Puis, il faut savoir la recréer, la ramener, la réveiller, la rendre présente même au loin. Les sens ne suffisent pas. Il faut la morsure de la poésie, le souffle de la peinture, le tremblement de la musique. Les montagnes sont comestibles! Elles s’absorbent, s’ingèrent et se muent en élans créateurs. Être artiste, c’est une affaire de gourmandise!

Être humain, c’est savoir remettre devant soi, à portée de vue et de main ce qui transcende l’immédiat.

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