Pour bien des gens, le temps des fêtes, c’est la première neige qui tombe paisiblement dans un sentier en forêt, c’est des décorations qui font briller les rues et les arbres, c’est des vacances du 23 décembre au 7 janvier, c’est des cadeaux sous un sapin, c’est le seul moment de l’année durant lequel la famille élargie essaie de s’entasser autour d’une même table.
Pour moi, Noël, c’est un peu tout ça, mais c’est aussi et surtout les excès alimentaires. Alors essaie, l’espace de quelques minutes, de t’imaginer comment c’est, vivre le temps des fêtes, quand tu as un trouble alimentaire ou un poids atypique.
D’abord, il y a la période pré-fêtes. Après l’empiffrage de bonbons d’Halloween en rabais, il y a la culpabilité de réaliser en entendant la première toune de Noël dans un centre d’achat que la résolution prise en janvier dernier a foiré, comme celle des six années d’avant.
Alors tu te « remets en forme ». Bel euphémisme pour dire que t’essaies de rentrer dans une robe que t’as pas mise depuis quatre ans. Faut ben s’habiller chic pour la famille. Et la famille, tu sais qu’elle va te juger si t’as encore pris ou perdu du poids à Noël.
Ce qui m’amène à la période fêtes. T’arrives chez Matante Jocelyne et Mononc’ Roger, qui te proposent dès ton arrivée un p’tit verre de bulles. Tu acceptes, mais t’as vraiment plus envie de vider le bol de chips que de siroter une flûte de mousseux.
Grand-Maman Paulette a même pas le temps d’enlever son foulard qu’elle fait un commentaire très subtil sur ton poids du genre « T’as-tu encore engraissé ? Si tu continues d’même, tu passeras pus dans l’cadre de porte » ou « T’es-tu malade ? T’es toute maigre, faut manger plus ! »
Éventuellement, tu te rends au souper, moment fatidique. Il y a deux options : soit ta famille est du genre à faire un souper quatre services où des femmes servent et desservent la nourriture et où les hommes ouvrent les bouteilles de vin, soit ta famille mange à la bonne franquette façon buffet et assiettes en carton et tu te ramasses à manger assise sur un bras de sofa ou dans le coin du salon avec ton petit cousin de quatre ans, Rémi.
Peu importe, les commentaires moqueurs de Mononc’ Gilles seront les mêmes : « Coudonc, vas-tu finir ton assiette ? Tu manges moins que la fille de ta cousine qui boit encore à son sein ! » ou « T’en as pas eu assez ? Pourtant, t’as des réserves ! » Les préoccupations sont aussi les mêmes : « Si je mange un peu de tout, est-ce que demain je rentre encore dans ma robe ? », « Si je mange la moitié d’une portion de dinde et que je ne touche pas aux patates pilées, c’est raisonnable que je prenne une demi-pointe de gâteau ? » et « Comment cousin Olivier fait pour manger trois assiettes sans avoir un seul commentaire ? »
Et quelque part entre le deuxième et le troisième verre, tu es déchirée par le choix entre continuer de boire et savoir que ces calories vides iront directement dans tes fesses et arrêter de boire mais être beaucoup plus consciente des commentaires dérangeants qui ne font qu’empirer avec le taux d’alcoolémie.
Tu es vraiment contente quand Rémi va dormir dans la chambre d’invité.e.s, parce qu’il va arrêter de te demander s’il peut sauter sur ton bedon tout rond ou si t’es assez forte pour le lever.
Et finalement, tu te couches en te sentant comme de la marde. Le lendemain, tu profites du congé pour faire du ski de fond ou de la raquette dans l’espoir de compenser pour les excès de la veille. Le soir venu, ça recommence.
Pendant que tout le monde écoute le Bye Bye, toi tu penses à ta résolution et tu ris jaune aux jokes sur la grosseur ou la maigreur de personnalités connues à l’émission la plus écoutée du Québec. Quand le décompte commence, tu te dis que cette année, tu vas prendre une nouvelle résolution, pas celle qui date de 2012 sans jamais se réaliser. Tu te promets que l’an prochain, à Noël, tu vas compter les flocons et non les calories. Tu te jures qu’en 2019, tu vas commencer à t’en câlicer, des commentaires et des excès des fêtes. Tu t’espères que tu tiendras promesse. T’inquiète pas, on va être plusieurs à se la faire, cette résolution-là.
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