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C’était un matin d’hiver. Dehors, le vent et la neige roucoulaient. Mais plus rien n’avait d’importance à ce moment, que toi et moi. Ton regard qui transperçait le mien, tes petits doigts fripés et tes mini-orteils parfaits. Tu étais né. Je donnais la vie pour la première fois.
Depuis mes lointaines pensées, la reproduction chez toutes espèces confondues relève de la magie pour moi. Des cellules qui s’assemblent, se nourrissent, travaillent durant plusieurs mois pour fabriquer des organes qui, une fois mis en commun, représenteront un autre être vivant distinct dans sa similitude… Un être humain? Un être si complexe… Et nous, êtres humains, fabriquons de mini êtres humains. Wow! Tout ceci semble abstrait, simple et facile. Mais si ces neuf mois demeurent magiques à l’intérieur, la décision, elle, relève d’une haute importance.
Se reproduire est un aspect. Tout être vivant, du plus microscopique au plus géant, le fait. Nous sommes formatés ainsi. L’évolution de l’espèce, la sélection naturelle. Besoin primitif. Mais qu’en est-il de la suite? Le mini être humain est fabriqué, nous ressemble dans ses différences, nous en sommes tellement fières dès les premiers instants. L’enveloppe est conçue, mais le cerveau, cet organe si alambiqué ne pourra être considéré à la légère dans l’équation. Nous forgeons l’espèce humaine de demain. Alors, si on y pense, l’accompagnement au travers la vie demeure un privilège. Privilège qui, après toutes ces années, m’émeut autant. Nous avons cette chance incroyable de tracer ses petits pas, de l’épauler, le guider, lui transmettre nos valeurs, le regarder expérimenter, l’aider à se relever, essuyer ses larmes et ses échecs, encourager et bonifier ses réussites. Un rôle incroyable sur nos épaules pour une société saine, en santé, épanouie. Des premières secondes de la fusion des cellules jusqu’à…
C’était un matin d’hiver. Ce moment était parfait et magique. Les yeux cernés, les mamelons encore gonflés, le ventre éploré, tout cet amour pour un petit être relevait encore de l’irréel pour moi. Mais un tout nouveau sentiment était aussi né à cet instant. Je pouvais faire la différence sur cette planète. Je pouvais tenter d’améliorer le sort de l’Homo Sapiens ou tenter d’apaiser les relents plus désolants. J’en faisais la promesse. Nous allions traverser cette fabuleuse aventure ensemble pour toujours. Je t’aiderais à t’élever, te réaliser, devenir un meilleur être humain chaque jour et, par la bande, ton unicité m’aiderait à m’élever, me réaliser et devenir un meilleur être humain chaque jour. Ton infinitésimal index enroulé au mien, ce matin doux, nous avons fait ce pacte toi et moi.
Finalement, j’ai reproduit cet instant. Reproduit la reproduction à quelques reprises. Toujours le même vœu, toujours le même pacte, toujours le cœur saturé d’amour et la tête pleine de bienveillance.
Au fond, me suis-je moi-même créée une micro-société?
Par Nathalie Dubeau-Racine