Fidèle à mes habitudes un peu masochistes, je suis constamment à la recherche de documentaires émouvants, instructifs, voire groundbreaking. L’humain que je suis a besoin de ces longs métrages qui m’en font voir de toutes les couleurs, qui viennent fracasser mon ignorance à grands coups de réflexions.
J’ai besoin de sentir que je fais une différence, aussi infime soit-elle. Il y a une dizaine d’années, j’ai complètement arrêté de manger de la viande, tantôt pour des raisons environnementales, tantôt par compassion animale. Durant cette décennie, j’ai flirté avec le véganisme en relation on/off, pour finalement m’admettre que j’aurai toujours besoin de fromage dans ma vie, ne serait-ce qu’en petite quantité. Lorsqu’on est du style militant hypersensible, il faut savoir jouir des petites joies de la vie aussi, tsé… même si on sent qu’on n’en fera jamais assez pour étouffer la misère du monde.
À l’automne 2016, alors que je m’installais tout bonnement devant Netflix dans la grisaille de novembre, mon choix s’est arrêté sur The True Cost, un documentaire qui me titillait depuis un bon moment. En gros, il raconte l’histoire des vêtements : ceux que l’on porte, les gens qui les fabriquent et les impacts de cette giga-industrie sur le monde. Vite comme ça, je suis certaine que nombre de femmes nord-américaines ont déjà contemplé l’étiquette de leur string alors qu’elles étaient aux toilettes pour y lire « made in Bangladesh ». Personnellement, pendant longtemps, quand j’entendais le nom de ce pays du tiers-monde, je pensais immédiatement à mes bobettes, comme si ce territoire asiatique peuplé d’humains (tsé, comme toi pis moi) n’était qu’une immense usine servant à fournir le Capitole (lire ici l’Occident) avide de dentelles extravagantes. #hungergames
Ceci dit, The True Cost avait comme but principal de mettre en lumière tous les éléments de l’industrie de la mode, des bidonvilles jusqu’au runway, en révélant tous ses salauds petits secrets et nombreux coins sombres. Qui paye réellement le prix pour nos vêtements? J’ai dû réaliser que ce n’était pas moi, même en déboursant un gros 10 dollars pour 3 strings…
À l’ère de la mondialisation, tout va tellement vite – trop vite. Tu commences à peine à te sentir à l’aise dans ton crop-top que hop! C’n’est plus la mode… Et si tu ne veux pas te faire regarder de travers à Osheaga, vaut mieux t’adapter. La société n’est pas dupe : si elle veut de nous que nous changions de fringues aux 2 mois, elle sait faire des prix en conséquence pour qu’on se ruine, mais pas trop. Tout est calculé. Un prix cheap pour une qualité de textile cheap. On se sent gagnant même si le morceau ne tarde pas à s’user. C’n’est pas grave, on était déjà tanné de toute manière. Le rose corail, c’est sooo last year…
Toutefois, on omet souvent d’insérer un facteur déterminant dans l’équation du fast fashion : le facteur humain, soit la main-d’œuvre. Prenons deux secondes pour y penser : si on s’excite devant un crew neck avec un motif cute pour seulement 19.99$, à quoi doit ressembler le salaire et les conditions de travail de la personne l’ayant confectionné à la sueur de son front dans une usine crade? Je vais appeler un chat un chat et réitérer une notion que nous savons tous au fond de nous : le viol des droits humains est perpétuel dans l’industrie de la mode. The True Cost met des images et apporte des faits sur une réalité bien connue, qu’on semble si rapidement oublier, puisque c’est loin de notre réalité. Le Québec regorge de vêtements usagés à donner que personne ne veut ; pourtant, ce n’est pas la pauvreté en nos frontières qui manque. Les vêtements sont si peu chers dans certains magasins que même les plus démunis de chez nous réussissent à s’habiller en neuf. Résultat? En bon samaritain, nous renvoyons nos vieilleries et nos surplus en Haïti (par exemple), où ce processus vient détruire l’économie locale haïtienne et plonger nombre de commerçants dans la misère. Qui ou quoi mettra un frein à cette bêtise humaine qu’est l’industrie de la mode telle qu’on la connaît? Je n’ai pas la réponse… mais un vieil indien chauve a émis une bonne piste.
Gandhi a si sagement dit : « be the change you want to see in the world ». J’ai choisi de commencer par le seul facteur que je contrôle réellement, mon moi-même. C’est ainsi que lorsque 2017 a sonné, je connaissais bien l’ampleur de la résolution que j’allais m’imposer : renoncer au fast fashion pour l’année. À l’aube de 2018, je vous laisse sur un bref bilan de mon expérience, dans l’espoir d’en inspirer quelques-uns.
J’ai appris :
- À faire preuve d’une plus grande créativité à l’égard des kits que je peux créer avec les vêtements que je possédais déjà ;
- À quel point on économise quand on ne se crée pas de besoins vestimentaires ;
- Combien c’est plaisant d’organiser des soirées switch & bitch entre amis où l’on renouvelle notre garde-robe avec les vêtements des autres ;
- À connaître davantage des marques de vêtements « faits au Québec » pour encourager l’économie locale exempte d’exploitation humaine ;
- À apprécier l’artisanat local d’ici et d’ailleurs (quand je voyage) ;
- À prendre davantage soin de ce que je possède déjà et à l’apprécier ;
- À coudre et à créer des morceaux uniques dont je suis fière ;
- À apprécier plus que jamais la créativité derrière le principe de se vêtir. J’adore les vêtements, j’adore orner mon corps de différents styles, j’adore feuilleter des patrons et être au fait de la mode. C’est de cet amour du textile que me vient le besoin de le respecter, de le réparer ou de le recycler.
Et toi, quelles sont tes valeurs de consommation? Serais-tu prêt à les modifier un peu dans l’espoir d’un monde meilleur et d’une économie locale plus saine?
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