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rendez-vous

Faut-il se séparer pour se trouver? Se retrouver? Peut-être bien les deux.

Aujourd’hui, j’aimerais aborder le premier terme puisqu’il résonne en moi plus que jamais. En effet, j’ai été confrontée à ce besoin irrépressible d’aller me chercher, de me trouver et de me prendre par la main.

J’ai toujours été de celles et ceux qui vivent à travers autrui : écoute, bienveillance, présence… Autant de termes dont je me suis saisie dès mon plus jeune âge et qui sont devenus mes piliers relationnels. Être le soutien de l’autre m’est apparu comme une évidence et c’est une trajectoire dans laquelle je me suis engouffrée sans la moindre hésitation. Voilà qui est tout à mon honneur, me direz-vous, mais c’est une utopie dans laquelle je me suis noyée et au-delà de l’utopie, c’est un leurre. Pourquoi un leurre? Parce que cette quête, bien que remarquable sur le papier, était aussi motivée inconsciemment par le besoin insatiable de me sentir importante, me sentir aimée, me sentir exister. Et c’est là où le bas blesse, l’existence ne peut trouver sa raison d’être dans cette quête. Oh, bien sûr, elle vient la nourrir et la rend plus riche au fil des rencontres, des échanges, mais elle ne peut s’y résumer.

L’existence… Le sens de la vie… Deux murs que je me suis prise de plein fouet un jour du mois de mai, à l’âge de 25 ans. D’un coup, d’un seul, le couperet est tombé : « Mais qu’est-ce que je fais là? » Je m’étais oubliée.

S’en est suivie une avalanche de questions : Qui suis-je? Où vais-je? Pourquoi? Pour qui? Qu’ai-je fait? J’étais happée, ensevelie, j’étouffais, je ne trouvais plus d’air, je ne raisonnais plus, il n’y avait plus que la panique. Cette avalanche, je ne l’ai pas sentie arriver, comme celles qui sévissent dans les hautes montagnes. Un grondement et vous voilà dessous, sans avoir idée de quand cela s’arrêtera, quand est-ce que vous pourrez accéder à nouveau à un semblant d’oxygène.

J’étais poussée du haut de la falaise. C’était le grand plongeon, un plongeon dans le vide existentiel.

Dans ce vide, je n’apercevais plus la quête qui m’avait guidée jusqu’à présent. Je réalisais quelque chose d’immensément douloureux : je n’étais pas les autres. J’étais moi et dans ce moi, j’étais seule. La plus grande solitude que l’homme n’ait jamais connue, sans doute. Ce tête-à-tête avec l’âme, ce dialogue intérieur et ces millions de points d’interrogations qui se percutent dans notre boite crânienne sans trouver un semblant de réponse. C’est vertigineux, au sens propre du terme. L’être entier en est ébranlé. Le corps et l’esprit main dans la main bravent la tempête comme ils le peuvent. Parfois ils s’affrontent, parfois ils se soutiennent, mais finalement, ils ne font qu’un : MOI.

Aveuglée par ma volonté de porter secours, d’être le soutien infaillible, j’ai refusé de voir ma propre vulnérabilité. Puis elle m’a rattrapée et la carapace s’est fissurée. J’apparaissais. Comment passer le reste de sa vie avec la personne qu’on a fuie pendant 25 ans? J’avais tout à réapprendre ou apprendre, et les autres, bien qu’ils constituent un soutien primordial que j’ai pu (re)découvrir, ne pourraient faire ce travail à ma place. L’évidence apparaissait : il était temps de me séparer.

Cette séparation est celle des existences. Elle est celle qui te fait naître toi en tant qu’individu à part entière, avec sa personnalité, ses émotions, sa complexité et sa perception. Un individu unique qui s’est construit au fil des années, grâce et parfois à cause de tout un tas de facteurs externes : les parents, l’éducation, l’école, les rencontres, les événements…

Séparer les existences ne signifie en rien qu’elles sont cloisonnées, c’est impossible. Toutes s’entrecroisent.

Mais alors est-ce quitter? Est-ce dire adieu? Voilà qui me provoquait angoisse et tristesse profonde. Néanmoins, je n’avais plus le choix, il fallait que je me sépare d’autrui pour me donner naissance. J’ai voulu faire de cette séparation psychique une séparation physique alors j’ai décidé de faire un deuxième plongeon. Celui de l’inconnu cette fois. Je suis montée dans un avion le 10 janvier 2018, sac à dos, valise surchargée en soute, le cœur gros, la peur au ventre, la gorge serrée mais une nécessité qui me prenait les tripes. Je m’envolais pour rejoindre mes cousins québécois, direction Montréal, en solo. En solo… Cette condition était étroitement liée à la nécessité que je ressentais. JE devais partir. Permis de travail en poche, une colocation en attente et une aventure dont j’ignorais tout, la machine était lancée. Chaque départ est frappé d’une réalité : on sait ce que l’on quitte sans savoir ce que l’on va trouver.

Aujourd’hui je prends conscience que prendre de la distance, traverser un océan, m’a été salvateur pour dé-fusionner de mes proches. J’ai appris qu’on peut aimer, tout autant, tout aussi intensément, sans s’oublier. Aller à sa propre rencontre permet de redécouvrir ses relations, d’être plus honnête avec soi, avec les autres. C’est un premier pas sur la route de l’acceptation et, au loin, on aperçoit le prochain panneau de signalisation, celui de l’amour de soi. On a parfois envie de rebrousser chemin, de faire demi-tour, de rester sur place, on se fige puisque, oui, la route est longue et sinueuse mais c’est ce qui la rend si poignante, si intense, si riche d’apprentissages.

Alors pars, pars à ta rencontre. Tu n’abandonnes personne. Découvre-toi, écoute-toi, apprends à te comprendre, sois indulgent(e), fais-toi confiance. Qu’importe la façon que tu emploieras pour cela; le voyage, l’aide d’un professionnel, les longues discussions entre ami(e)s sur un balcon, un verre de vin rouge à la main, ou peut-être tout ça à la fois. Prends tout.

Ta liberté d’être t’attend.

Crédit photo : Léa Bourbillière

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