En ce début du mois d’août, je pense à tous ceux qui quitteront la maison familiale sous peu et à tous ceux qui l’ont quittée un jour, ainsi qu’aux souvenirs qu’ils en gardent, parce que je me doute que c’est une transition que peu d’entre nous oublieront. La mienne remonte à presque un an déjà. J’avais 17 ans et je partais vivre seule à plus de 400 km de la maison de mes parents, la seule maison que j’aie connue. On va se le dire, il y a des premières transitions plus difficiles, mais il y en a des plus faciles aussi.
Pour moi, la maison familiale a toujours été le meilleur endroit où je pouvais être, et le pire. C’était l’endroit où je pouvais recevoir le plus grand support, mais aussi l’endroit où le jugement des autres pouvait être le plus dur et faire le plus mal. C’est tellement bon d’être avec des gens qui nous connaissent par cœur, mais ça peut aussi devenir toxique parce qu’ils pensent parfois nous connaître plus que nous-mêmes et ça donne l’impression qu’on ne peut plus évoluer. Je me souviens. Quand j’ai finalement déménagé, ça faisait probablement déjà deux ans qu’il m’arrivait en bonne adolescente ingrate de crier à ma mère que j’avais « tellement » hâte de « partir d’icitte ». Dans les derniers mois, les dernières semaines, cette rengaine-là n’a plus trouvé sa place. La panique s’est installée à l’idée de tout ce que je laissais derrière. J’ai compris qu’en refermant la porte derrière moi à la fin de l’été, je clôturais officiellement une époque de ma vie : mon enfance, mon adolescence, ma vie en famille.
En pensant à tout ça, j’ai fait mes petites recherches sur Internet et je suis tombée sur des quiz du genre « Es-tu vraiment prêt(e) à quitter le nid familial? ». Pour vrai, si tu veux mon humble opinion, ne perds pas ton temps avec ça. C’est peut-être un conseil à la limite irresponsable mais, dans la vie, tu n’as pas toujours besoin d’être prêt. Je serai toujours la première à te dire de ne pas te forcer à faire des choses que tu ne veux pas faire. Là, je parle des choses que tu veux faire, mais qui te font trop peur, ce qui t’empêche de passer à l’action. Je pense que de se botter le cul parfois, ça fait du bien. Ne prends pas le risque de ne jamais être prêt. Je pense à mes amis qui me disent aujourd’hui : « Je ne me sens tellement pas prêt(e) à partir de chez mes parents, tu as été tellement courageuse. » J’ai juste envie de leur dire avec toute la sincérité dont je suis capable à quel point je n’étais PAS prête. À quel point ce n’est pas une question de courage, que ça a plutôt à voir avec l’audace et une bonne dose de naïveté.
Le 16 août 2017, le jour où mon père est reparti vers la maison en me laissant seule derrière lui dans ma chambre de résidence étudiante dans une ville où je ne connaissais pratiquement personne et où je n’étais jamais restée plus de quatre jours, j’ai pleuré pendant des heures. C’est la journée où j’ai le plus pleuré dans ma vie, et de loin. Qu’est-ce que je faisais là?
C’est le moment où je devrais te donner une panoplie de conseils, mais je vais m’en tenir à trois ou quatre. Parfois, quand des gens et des lieux nous manquent, on en vient à idéaliser les souvenirs qu’on a d’eux. On les roule en boule dans notre tête et ils ne se ressemblent plus. Ne tombe pas dans ce piège, ça va juste te faire de la peine et te décevoir. N’écoute pas trop les gens qui disent des choses comme : « T’es content de quitter le secondaire ou de partir de chez tes parents? Pourtant, ÇA, c’était la vie facile ». Quand on passe à une nouvelle étape dans la vie, on dirait qu’on aime faire peur à ceux qui n’y sont pas encore, mais on vit tous les choses différemment. Dans mon cas, j’ai trouvé que c’était un peu puéril de parler d’une vie « facile », la réalité est bien différente des films qu’on se fait. Aussi, il se peut qu’il y ait des moments où tu te sentiras chez toi nulle part. C’est correct, n’accorde pas trop d’importance aux lieux, aux murs autour de toi. Quand j’ai quitté la chambre de ma résidence, j’ai cru qu’elle me manquerait beaucoup. Puis, une fois vide, je me suis rendu compte que sans moi, sans mes choses, ce n’était plus vraiment ma chambre, plutôt un espace comme un autre. À mes yeux, c’est avant tout à l’intérieur de toi que tu dois te sentir bien, au bon endroit.
Finalement, j’ai passé l’été chez mes parents à cause de mon emploi saisonnier et je recommence à un nouvel endroit encore cette année, dans quelques jours. Je suis peut-être encore plus terrifiée que la première fois parce que la naïveté a pris le bord, mais j’ai hâte. Dans le fond, ce que j’aimerais te dire, c’est : « Profites-en! » J’ai tellement regretté d’avoir fait les choix que j’ai faits, d’avoir quitté la maison de mes parents, puis les regrets sont disparus. Aujourd’hui, je ne changerais rien à ce que j’ai fait. Tu vas voir, tu vas grandir vite, ça va probablement faire mal, mais ça va surtout faire du bien.
Crédit photo de couverture : Claude Baillargeon