J’vous explique. Ce sera bref. De toute façon, avec lui, c’est toujours ça : court et touchant.
Le gars que j’fréquente et moi, on s’aime. Pour vrai de vrai. Je le sais, il le sait. Mais on n’a pas le droit de le dire. On a bien gardé le secret jusqu’à présent. Si bien que même nous on a fini par oublier qu’on s’aimait pour vrai de vrai.
Il m’aime. Ses yeux me le chuchotent souvent, ses p’tits sourires en coin m’embrassent comme ils peuvent. Je l’aime. J’essaie de le serrer du plus fort que je peux quand on se dit bonne soirée et qu’on s’éloigne chacun dans nos lits.
On s’aime, mais ça reste entre nous. J’connais pas ses amis, même si j’adorerais ça. J’ai jamais rencontré sa mère, même si j’ai déjà goûté sa fameuse lasagne quelques fois dans son p’tit appart. On s’aime, mais on se connait pas comme on devrait.
Un soir, voilà que ça me frappe, alors que tu me poussais tranquillement vers la porte de sortie. Si tu disparaissais demain, personne ne me le dirait. Personne ne saurait qui je suis, alors que toi tu es tout pour moi.
Un soir, voilà que tu me fous un poignard dans le cœur. Avant que j’te dise bonne nuit en espérant que tu m’invites à rester coucher, tu te permets de me mortifier le cœur. Sans prévenir, sans même me connaître.
« T’sais Audray, ça fait un bout que je pense partir d’ici. Tu sais que j’prends souvent des décisions sur des coups de tête. Peut-être qu’à soir c’est la dernière fois que tu me vois, peut‑être que c’est comme ça que j’avais prévu finir notre relation et que j’avais pas prévu t’en parler. »
Tu m’dis ça comme si rien n’était, comme si notre vrai de vrai amour finalement était pas important. Pourquoi tes yeux disent qu’ils m’aiment alors? Pourquoi tu me serres comme si j’valais la peine? Pourquoi tu me sauves chaque fois que j’arrive chez toi en pleurant si c’est pour me tuer un jour, sans même me dire quand…
« Tu te rends compte qu’un jour, y’aura pu de nous deux. Tu vas me texter et je répondrai pas. Tu vas venir cogner à ma porte, mais trop tard, je vais déjà être loin. Sois honnête, si j’disparaissais demain, si j’répondais pu à tes messages, si j’t’ouvrais pu la porte quand tu sonnes à l’entrée du bloc, tu chercherais pas plus loin. Ça finirait comme ça, et tu m’oublierais comme j’vais t’oublier.»
Ça me serre en dedans. Pas comme quand on s’embrasse et que ça me stresse l’intérieur parce que c’est trop fragile, trop beau. Ça me serre en dedans et j’veux disparaître, moi aussi.
Tout à coup, ça me frappe. J’ai pas de photo de nous.
J’ai pas de souvenir, pas de preuve de notre amour. J’ai nos tunes sur mon cell, j’pourrais te réciter le calendrier des dates, j’ai encore le coton ouaté que tu m’as donné un jour, mais « caliss », j’ai pas de photo de nous. Pourtant, j’ai jamais aimé quelqu’un comme toi. Et si tu disparaissais demain, j’aurais pu rien de toi…
« Fais pas c’te face là Audray, tu sais que ça va arriver un jour… On se voit presque pas déjà, on a nos vies chacun de notre côté, un jour nos chemins vont se séparer. »
J’te supplierais bien de rester… Mais je sais que quand tu prends une décision, y’a rien à faire. Comme la décision que tu as prise pour nous deux : que nous deux, on n’allait jamais exister, on allait seulement exister dans le reflet des yeux de l’autre.
Une relation secrète qui fait ton affaire, et qui me tue un peu plus chaque fois que j’embrasse tes lèvres et que je me demande si c’est la dernière fois.
« Tu y as déjà pensé? Qu’est-ce que tu ferais si je mourais aujourd’hui? », me dis-tu.
J’y pense chaque fois que j’attends de tes nouvelles des heures durant. Chaque fois que j’vois une autre fille entrer dans ta vie. J’y pense quand j’me couche seule la nuit, alors que t’es dans les bras d’une autre, alors que j’ai encore ton odeur qui me caresse le cou.
Qu’est-ce que je ferais si tu disparaissais aujourd’hui? C’est simple, je mourrais demain.
« Tu voudrais pas qu’on prenne une photo de nous à soir? », dis-je avec trop d’émotions dans le « gorlot ». « J’pense à ça, pis j’ai pas de photos de toi. J’ai pas de photos de nous… »
« Nah, tu sais ben que j’aime pas ça les photos. »
Je déteste quand tu fais ça. Quand tu décides que notre nous en vaut pas la peine.
Si t’es pour partir, si ta décision est prise et qu’au final j’étais seulement une fille comme les autres, une fille que t’aimais pour vrai de vrai comme toutes les autres, dis-moi le.
Mais laisse-moi pas dans l’attente de ton départ, dans l’attente d’un lendemain qui n’existe pas.
Si t’es pour partir, laisse-moi une note, laisse-moi ta voix sur ma boite vocale que je puisse l’écouter les soirs où ce sera trop dur sans toi.
Si t’es pour partir, je t’en supplie, laisse-moi de l’espoir. Laisse-moi croire que nous deux, on s’aimait pour vrai de vrai.
Laisse-moi croire que si tu disparaissais aujourd’hui, j’aurais le droit de disparaître à tes côtés.