Nous nous sommes trouvés sur le net parmi à peu près 7 324 profils, entre « ChatonDouillet78 » qui étudie à l’école de la vie et « RenardFûté » avec sa cigarette sur l’oreille et sa camisole de Maiden usée et trop serrée. Mieux que ça, après s’être trouvés, on s’est plu, imaginez-vous dont. L’image de l’autre nous a plu. Parce que tout est une question d’image là-d’ssus. Sur ta photo de profil, un beau rire naturel à s’en déformer la face est mieux qu’un finger, un signe de DEVIL ou une langue sortie en inscrivant : « Yo. Sa vas? Fait signe si sa te dis de chiller. »
On ne savait pas trop ce qu’on cherchait dans ce qui n’était qu’un passe-temps du vendredi soir, mais on a semblé trouver quelqu’un à tout le moins pour que le temps passe, ce vendredi-là. À ce stade-ci, pas ben ben engageant anyway, c’était juste un « match ». Dans un monde où même présenter tes amis à l’autre ne veut pu rien dire, ben c’est pas ça qui va faire la différence certain. Comme Philippe Lafontaine disait : « On n’avait qu’une seule envie, c’était de se laisser tenter. »
Un compte de cellulaire de 347 $ plus tard à jaser (car quand tu ne te rappelles pas que t’as pas le forfait soir et weekend inclus, asti, c’est ça qui arrive) et comme si raccrocher allait nous faire exploser la tête même si tu travailles le lendemain, tu finis par arrêter de t’appeler et tu te fixes rendez-vous. Pourquoi attendre? Plus vite ce sera fait, plus vite on saura. Ben on l’a su. On ne s’est plus quittés ensuite pendant 9 ans.
On s’est aimés à se frencher devant tout le monde le premier soir comme si nos vies en dépendaient. On s’est aimés à emménager ensemble un mois plus tard. On s’est aimés à endurer les combats de coqs de chacun de nos gars dans leurs concours de « Qui va pisser le plus loin » à « Qui va avoir le fucking verre bleu pour souper ». Tu m’as aimé à te taper 7 séries de Lance et Compte en quelques semaines. Je t’ai aimé à me taper les 2 films et tous les Sex & The City à 3.99 $ pour 3 épisodes sur Illico. (Y a 94 épisodes… $$$.) J’aurais sauvé 50 $ à acheter le coffret, mais on s’aimait pis quand tu t’aimes, tu te sacres de ben des choses. Pis l’amour, c’est large. Large de savoir que l’autre n’aime pas les échalotes pis de pas y en mettre parce qu’elle va les laisser de côté, à elle qui sait que le matin t’es pas jasant avant ton premier café mais elle l’aime son bougon. Aimer mieux, c’est de pouvoir écrire ce que c’était aimer avec elle. Aimer, c’est tout ça.
Puis là, l’amour a pris une pause.
Et les pauses devenaient de plus en plus longues, comme dans un emploi que t’aimes pas. Que t’aimes moins. Que t’aimes différemment. C’est pu comme au début. Un amour frustrant. L’amour prend une pause quand tu regardes davantage les courbes de croissance de l’indice boursier que celles de ta blonde. L’amour prend une pause quand tu barres la porte de la salle de bain en allant te laver. Quand le cellulaire devient plus une façon de te relaxer au lit que de te caresser, de jaser ou de faire l’amour. Quand tu apprends des moments importants dans la journée de l’autre pendant un souper d’amis une semaine plus tard. Quand tu ne la quitte pas par peur de l’inconnu, mais que si l’autre te laissait ce serait peut-être mieux comme ça. Quand le lit queen devient soudainement trop petit…
Puis le temps passe, les obstinations cute du début afin de savoir quel film choisir le samedi soir ont fait place aux chicanes pour tout et pour rien. L’accumulation de plein de niaiseries est aussi néfaste que d’en parler à l’autre chaque fois, de ces « p’tites niaiseries », pour ne pas les laisser s’accumuler. Elles s’accumulent et rapidement. Tu sais pu comment les gérer. La corde de votre couple s’effrite petit à petit, et ça fend. Ça fend comme ton cœur qui souhaiterait que tout aille mieux avec elle. Tu ne te vois pas sans elle, mais le temps passe. Pourtant, vous êtes quotidiennement chacun dans vos mondes respectifs mais sous le même toit.
La séparation arrive avant même que tu aies eu le temps d’y penser.
Tu vis ton deuil, le deuil d’une personne en vie. Pis ta sale mémoire a la foutue belle tendance à surtout te rappeler que les bons moments. La famille et les amis choisissent leurs camps naturellement et ils te manqueront extraordinairement. C’est le chaos. C’est un deuil simultané d’une vingtaine de personnes. Tu gères pu rien, tu t’adaptes. Tu essayes seulement de garder la tête hors de l’eau et c’est suffisant. Tu t’en veux. Vous ne vous parlez plus parce que « C’est bien mieux d’même ». C’est ton remède et ton virus en même temps. Tu t’écris mais faudrait pas. Tu ne t’écris pas mais il faudrait. Tu passes une semaine sans t’écrire, puis deux, puis trois. La quatrième semaine, tu voudrais lui dire que tu penses à elle mais tu ne le fais pas. Pas parce que tu n’en as pas envie, mais juste pour ne pas scraper ta séquence d’abstinence et que tu sais que tu devras recommencer. Un jour, deux jours, tr…
Puis dans la tempête de la séparation, on arrête de s’aimer en se demandant si on s’aimait encore, un coup la tempête dissipée. Je ne sais honnêtement pas où la fin a commencé, mais je présume que ce devait être une bonne chose car, comme le proverbe le dit, paraît qu’elles ont toute une fin.
Puis les beaux souvenirs refont surface après que les mauvais ne prennent plus toute la place. Vous arrivez à vous écrire pour autre chose que ce qui concerne le « vous » que vous étiez. Juste qu’elle t’appelle par ton prénom dans un texto te donne la nausée.
Se pardonner est un exploit en soi et tu te rends compte que les bonnes personnes ne font pas toujours les bons couples. Pis remercie-la, ta mémoire, de privilégier les bons et les beaux moments, parce que c’est ça que vous étiez justement, des beaux pis des bons. Vous vous souhaitez un bonheur mutuel, mais chacun de votre côté en sachant que vous garderez quand même une place particulière à l’intérieur de l’autre.
On a arrêté de s’aimer pour pouvoir s’aimer encore… différemment.
Par Patrick Laperrière
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