*Ceci est le partage de mon expérience personnelle et mes réflexions. Je ne suis pas un exemple ni une professionnelle. Beaucoup de services sont offerts pour les gens qui souffrent de dépendances, il ne faut pas avoir honte d’en parler et de demander de l’aide.
Je me rappelle plus jeune, je regardais les femmes qui buvaient un verre de vin rouge au souper de famille ou dans les films. Je les trouvais belles, agençant la couleur de leurs rouges à lèvres à celle du liquide. J’avais l’impression qu’elle dégageait une sorte d’aura de confiance, qu’elles respiraient l’indépendance. Je les admirais, c’est l’image que je voulais projeter plus tard. J’avais hâte d’avoir l’âge pour pouvoir projeter cette aura-là aussi.
Je me rappelle, vers 10 ans, quand on avait volé une Poppers dans un party de famille et qu’on s’était retrouvé pour la boire à 4. Je trouvais ça tellement mauvais. Je me rappelle, à 12 ans, la bouteille de Sour Puss qu’on s’amusait à prendre en shot avec mes parents. C’était ben drôle me voir me confier sur mes histoires de fille rebelle. Je me rappelle à 15 ans, la première brosse que j’ai prise avec un 4 packs de Breezer à l’ananas. J’ai été malade, le lendemain, quand ma mère est venue me chercher, je lui ai dit qu’elle devait s’arrêter sur le bord du chemin, je devais vomir. Elle s’est arrêtée devant un café ou tout le monde m’a vu vomir un filet de liquide de la veille. C’était drôle.
C’est aussi dans ce temps que j’ai gouté le premier alcool que j’ai aimé, dans un voyage où je n’étais vraiment pas à l’aise: un Pina Colada dans des îles proche d’Ohio. C’était bon, j’étais pompette. Je me rappelle aussi de l’envie irrépressible d’en vouloir plus. Mon envie de fuir la réalité, parce qu’elle était trop difficile à vivre à cet instant. C’est dans ce même voyage que j’ai bu mon premier verre de vin rouge. C’était tellement mauvais, mais je savais qu’un jour j’allais aimé ça, j’allais y travailler.
De 15 à 17 ans, quelques partys où les gens s’amusaient à se saouler. Où on était des épaves. Où on buvait trop de vodka pis qu’on finissait par se frencher, pleurer, vomir ou courir nus pieds dehors à 2h du matin. On était jeunes, ivres, pis on avait ben du fun, mais c’était occasionnel, pis c’était correct comme ça.
C’est vraiment dans l’année de mes 17 ans que mon goût s’est développé. J’ai arrêté de trop boire des alcools qui me faisaient vomir pis que je n’aimais pas, j’ai commencé à boire mon café noir et aimer le vin rouge. L’amertume me détendait. Un verre dans des soupers de famille ou après de gros examens.
À 18 ans, j’ai habité devant une SAQ et j’étais en mode découverte. À chaque 2 semaines, je devais aller m’acheter une bouteille ou deux, je me promenais dans les pastilles de goût et les différents pays. Après une grosse journée, je dégustais mon verre. J’avais remplacé mon dessert par ça. Je savourais sentir tous mes muscles se décontracter.
Vers la fin du Cégep, j’étais épuisé. Je travaillais trop, j’étudiais trop, je faisais trop de choses différentes et n’avais plus de temps libre. Mon verre de vin devenait NÉCESSAIRE pour me relaxer. La fréquence ayant augmentée, je ne ressentais plus les effets bénéfiques de mes muscles qui relaxent après un verre. J’ai donc augmenté les quantités. Je me disais : « Anyway, t’es consciencieuse de ta consommation d’alcool, parce que x dans ta famille est alcoolique et tu connais les répercussions sur ta vie, donc tu fais attention. » Je préférais l’idée de boire plus de vin plutôt qu’on me donne du Xanax ou des trucs forts pour dormir ou me détendre.
Vers 20 ans, j’ai commencé à élargir mes types de consommations. Je suis tombé en amour avec les gins toniques et les whisky-gingembre. Je regardais les filles dans les émissions qui prenaient leurs alcools secs. Une fille qui prend du whisky ça l’air vraiment badass. C’était mon nouvel objectif.
Ma consommation régulière avait évolué à 1 et 2 bouteilles par semaine. J’ai commencé à inquiéter mon chum et mon entourage. Je finissais un peu trop souvent pompette, seule, à pleurer dans ma salle de bain en ne comprenant pas comment je m’étais rendue jusque-là. J’étais dans une période vraiment difficile et l’alcool était mon échappatoire. Je touchais le fond. Et c’est là que j’ai fait les démarches pour voir un psychologue au privé et que j’ai repris le contrôle.
Je commence l’université; je me dis que je vais bien faire les choses, que je dois me faire des amis et participer au monde social universitaire. Sauf que je fais de l’anxiété sociale, l’alcool me rendait apte à me rendre sur place et entretenir des discussions. Les partys se sont multipliés, ma consommation aussi. J’ai aussi commencé une relation où on buvait vraiment souvent ensemble. On se faisait beaucoup de plaisir dans nos soirées ivres. Sauf que je l’ai échappé, plusieurs fois. Je devenais désagréable en buvant. Le lendemain, la honte était insupportable. Ça augmentait mon anxiété quotidienne et mon envie de boire plus souvent pour relâcher la pression devenait plus fréquente.
Mon environnement est devenu toxique, je m’étais entourée de gens qui l’étaient et une fois que je m’en suis rendu compte, me sortir de là m’a pris un moment. Pour supporter la situation, je buvais. C’était aussi rendu plus facile, parce que comme la femme badass que j’étais, je prenais maintenant mon whisky au verre, sec.
Ma vie s’écroulait, j’essayer de survivre, sortir la tête de l’eau, pis je me sentais coincée. J’essayais de contrôler mon environnement le plus possible, pour réussir à survivre pis c’est exactement cette raison qui a toujours été problématique avec ma consommation d’alcool. L’alcool, ça fait perdre le contrôle. Imaginez-donc une fille qui essaie de contrôler tous les aspects de sa vie et comment la dépendance devient facile lorsqu’elle trouve une façon de relâcher la pression? De foutre la marde? De faire fuck, à soir, je me contrôle pas?
Pis c’est là que j’ai réalisé mon problème d’alcool. Mon alcoolisme. Mon dilemme déchirant entre la vision que je voulais projeter des filles badass, de l’amertume réconfortante et mon petit moi intérieur qui attend juste une goutte d’alcool pour se laisser aller.
Je peux dire que ça fait exactement 1 an que j’ai un grand contrôle sur ma consommation d’alcool. Pour éviter les dérapes, quand je vais mal, que je suis dans une période trop anxiogène, j’essaie de ne rien prendre, car ça ne prend pas grand chose pour que la drunk-me embarque pis vide deux bouteilles. En parallèle, avec mon psychologue, on travaille sur mon besoin de contrôle, mon anxiété et les raisons qui me poussent à vouloir déraper autant.
Le point positif c’est qu’au début de la pandémie, en enlevant toutes les pressions de l’école et des interactions sociales, je n’ai pas bu pendant 2 semaines. Je n’en avais pas envie. Ça prouve que je fais vraiment des progrès, que ma dépendance est directement liée à d’autres problèmes, pis c’est encourageant. Je suis fière des progrès que j’ai fait, mais mon problème d’alcool est toujours présent et mon besoin d’un échappatoire facile aussi.
Je sais qu’idéalement, je devrais arrêter toute forme de consommation, mais je ne suis pas encore prête à prendre cette décision ou me mettre cette pression.
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