Un peu de soi, un peu de lui et beaucoup de compromis; voici ce dont est composée la nouvelle entité qu’un couple crée, la majorité du temps. Tu laisses derrière certains éléments de ta routine auxquels l’autre n’adhère pas, tu laisses tomber les habitudes qui lui tapent sur les nerfs et tu glisses en deuxième place sur ta liste de priorités. Bref, tu te perds un peu mais, selon toi, tu te transformes en une version « améliorée ». Tu deviens une personne enrichie des goûts exquis de celui que tu considères parfait.
Et le plus beau dans tout ça, c’est que tout se fait sans même que tu t’en rendes compte.
Petit à petit, tu te retrouves à manquer ton yoga du dimanche matin parce que les beaux-parents insistent pour un brunch familial. Mais on ne te force pas. Ça te fait plaisir de jaser avec sa sœur et d’observer les ressemblances stupéfiantes et les manières qu’il retient de son père.
Peu à peu, ton opinion hautement forgée sur le fait que t’haïs Montréal se déforme. Il s’y trouve et c’est tout ce qui compte. Le trafic qui autrefois ne créait qu’un mélange de rage et d’impatience te donne maintenant l’opportunité d’apprécier les édifices qui triomphent vers le calme des nuages.
Tout est beau, tout est nouveau. Mais il y aura un point où, constamment se compromettre pour l’autre, constamment se dire non deviendra péniblement exigeant. C’est à ce point que les compromis compromettront qui nous sommes. C’est à ce point que l’accumulation de tout ceci enterrera la personne que nous étions initialement.
Le risque, avec les compromis, c’est qu’on les fasse sans penser. Que pour éviter une chicane, on lâche notre bout trop vite; ou ne se bat pas assez fort pour ce qui nous importe réellement. La raison majeure pour laquelle on se perd en faisant une quantité industrielle de compromis, c’est lorsqu’ils vont à l’encontre de nos valeurs et de ce que nous sommes. Quand on néglige de s’écouter et se respecter, on se perd. Notre identité ne devient qu’une extension de celle de l’autre. Au lieu de créer une nouvelle entité en regroupant nos forces, on abandonne notre propre personne pour habiter l’autre.
Sans ce respect, c’est un cercle vicieux. Tu accordes des compromis à gauche et à droite, mais votre relation perd son sens de l’orientation. Il te regarde de haut en bas, se questionnant sur la fille forte de qui il est tombé en amour. Afin d’éviter de tourner en rond, se faire du mal inutilement et appeler ça de l’amour, vous décidez finalement de reprendre chacun vos chemins.
Et puis, soudainement, tu réalises tous les dommages que ces compromis ont faits. T’as pu de brunch les dimanches, mais ton abonnement au yoga est expiré. Le trafic de Montréal est toujours aussi pire, mais les édifices ne sont que de vieux blocs de béton couverts de graffitis décolorés.
Tu te retrouves seule avec toi même. Seule avec une personne que tu ne connais désormais plus. Tu n’es plus la fille que t’étais pendant la relation, mais tu n’es plus non plus celle d’avant. Tes goûts, tes habitudes et tes intérêts ont tous été moulés à compléter ceux d’un autre. Les compromis que tu as faits avec plaisir et les autres un peu plus à reculons, ils te suivent tous dans cette nouvelle phase de ta vie.
Une relation à succès, c’est sans aucun doute une relation remplie de compromis. Sans ceux-ci, la santé du couple ne court aucune chance. Je dénonce seulement les ravages que peuvent créer ces compromis, surtout s’ils ne proviennent que d’un seul côté, s’ils sont nombreux au point que nous devenons une réplique de l’autre personne et qu’ils ne respectent pas non plus nos valeurs.
Faire des compromis, oui, mais à quel prix? Pour garder notre amour, le voir grandir, mais jamais au point de se perdre!
Par Sophie Robitaille-Meyer
Audrey Dumont
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