Quand j’étais jeune, mes parents avaient la phobie que je devienne comédienne et crève de faim.
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Résultat : j’ai toujours fait du théâtre, mais pour mon plaisir. Parce que je savais qu’avec ma face ronde, mes bourrelets et l’ossature de Louis Cyr, je décrocherais jamais mieux comme rôle que le personnage de la grosse comique ou de la faire-valoir, dans une éventuelle carrière devant la caméra ou sur les planches.
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Je n’ai aucun regret de m’être choisie. Je suis juste en criss. Et pas que pour moi. Parce que j’en connais plein – plein! – qui ont un talent ou un don qui est perdu, parce que ces personnes-là sont refoulées aux auditions, ou parce qu’elles ne veulent pas hériter toute leur vie du personnage du pichou, de la troisième réplique ou de l’exotique venu d’ailleurs avec son accent qui fait rire, ses manies qui déstabilisent tout le monde ou la détresse de son pays.
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Ou finir dans une pub de laxatifs pour payer son loyer.
Moi, quand je me promène dans mon quartier, je vois toutes sortes de gens.
Des physiques grands, petits, gros, minces, moyens…
Des tignasses blondes, brunes, rousses…
Des personnes gaies, féministes, machos…
Des peaux claires, plus foncées, basanées…
Du linge chic, délabré, style hipster, hippie, punk…
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Du monde pressé, du monde itinérant…
Du monde en béquilles, en fauteuil roulant, avec un chien Mira ou une perche pour non-voyants…
Des accents que j’entends, des langues différentes, des odeurs variées, autant que les personnalités…
Ce que je veux dire, c’est que le monde, pour moi, c’est ça : de la variété. De tous les genres, de tous les styles, de tous les âges, de toutes les origines, de toutes les bourses, etc.
Et que ces personnes-là, elles ne se limitent pas à être malades, ou pauvres, ou tristes, ou toxicomanes, ou venues d’ailleurs, ou tout autre aspect qui pourrait, à tort ou à raison, être le premier qui nous sauterait aux yeux.
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Pourquoi, dans ce cas, quand je vais au théâtre, quand je regarde la TV, quand je vais au cinéma, pourquoi est-ce que je vois presque uniquement, dans les rôles principaux, pour incarner les personnages des beaux et des belles, des acteurs et actrices qui sont : jeunes, au teint pâle, à la chevelure soyeuse, à la taille fine, grands pour les hommes, l’air fragile pour les femmes. Comme si d’avoir la peau d’une autre couleur, le cheveu d’une autre texture, la physionomie d’un autre aspect, rendait laid et vide de talent.
Ç.A.M’É.C.O.E.U.R.E.
Et ça m’a toujours écœurée.
Vous me croyez pas?
OK.
Je vous mets au défi, en zappant d’un téléroman, d’une télésérie, d’un quiz, d’un show, d’une pièce, d’un spectacle « québécois de souche » à l’autre, de m’en recenser un, rien qu’un, dans lequel des transgenres, des sans-abris, des réfugiés, des Autochtones, des femmes monoparentales, des obèses, des personnes vivant avec un handicap, pourraient se reconnaître, sentir qu’on s’adresse à eux, qu’ils existent eux aussi dans l’imaginaire de notre société – et pas comme des clichés.
En somme, l’offre culturelle théâtrale et télévisuelle québécoise est pauvre de ces autres corps, visages, expressions et façons de penser, de vivre, de créer! qui manquent à l’ouverture des Québécoises et des Québécois.
C’est ma conclusion.
Et curieusement, si vous écoutez « Tout le monde en parle », vous savez que Pierre Lapointe est d’accord avec moi.
Voici quelques pistes pour poursuivre votre propre réflexion :
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