Permettez-moi de m’enflammer l’instant d’un billet à propos d’un sujet très présent dans l’actualité depuis la rentrée. J’appelle à la barre les « mesures d’austérité en éducation ». Nous avons élu un premier ministre qui semble exceller dans les coupures, aux mauvaises places merci.
Quand nous étions à la polyvalente, nous nous faisions rabattre les oreilles avec une citation qui ressemblait à ça : « une nation éduquée est plus critique, informée et prend de meilleures décisions ». Bref, on évite de se ramasser dans un régime politique à tendance totalitaire.
Même le ministère le dit!
« Dans le contexte mondial actuel, l’éducation supérieure est une force tant individuelle que collective. En plus de favoriser l’expression des citoyens et des citoyennes, elle fournit des clés essentielles pour mieux comprendre les enjeux mondiaux de plus en plus complexes, trouver des solutions créatives aux problèmes humains, participer pleinement à la vie démocratique et gagner en autonomie. »[1]
Et pourtant cet automne, M. Couillard a rendu le mot austérité un peu trop populaire à mon goût. Coupures dans les services aux élèves, coupures dans l’aide aux devoirs, coupures dans les activités parascolaires, coupures dans le personnel spécialisé en soutien dans les classes.
Cette semaine, on amène sur la table l’augmentation du nombre d’heures hebdomadaires des enseignants sans compensation financière et l’augmentation du ratio élèves-enseignant. Déficit zéro d’accord, mais à quel prix!?
Les enfants qui vont à l’école sont les travailleurs de l’avenir. Ils doivent bénéficier d’une éducation adéquate et complète, donnée par des professionnels (les enseignants) de l’apprentissage. Pour avoir un rendement optimal, ça prend au minimum un environnement et des conditions, ce que nous n’obtiendrons vraisemblablement pas avec de telles mesures.
COUPURES > PERSONNEL SPÉCIALISÉ
De nos jours, plus d’enfants ont des problèmes d’apprentissage (un autre combat). Pour pouvoir apprendre avec cohérence, ils ont besoin d’aide parce que papa et maman n’ont pas nécessairement un certificat en pédagogie, ni les connaissances ou le temps de s’asseoir avec eux le soir pour comprendre ce qui bloque en mathématiques. Ou parce que ça fait longtemps qu’ils ont terminé l’école et que le système change vite.
Aussi, parce que l’enseignante qui doit s’occuper de l’entièreté des petits mousses de sa classe ne peut malheureusement pas faire pause pour prendre le temps de s’occuper de chaque enfant avec des besoins plus particuliers.
Toutefois, les psychoéducateurs et les éducateurs spécialisés peuvent intervenir auprès des enfants nécessitant un suivi particulier. Cela facilite la gestion de la classe et optimise l’enseignement des notions.
C’est aussi là que l’aide aux devoirs prend tout son sens. Elle complète le processus d’intégration de la matière et vient en aide aux jeunes qui ne peuvent recevoir d’aide à la maison. Elle leur donne la « petite poussée » qu’il leur manquait pour comprendre, ce qui fait toute la différence entre l’échec et la réussite à un test.
COUPURES > ACTIVITÉS PARASCOLAIRES
Les activités parascolaires elles, préservent le lien de cohésion avec l’établissement d’enseignement. Elles créent un sentiment d’appartenance, lient l’enfant à la curiosité du savoir.
Parfois, elles peuvent avoir une portée assez forte pour prévenir le décrochage d’un élève. Nul ne contredira que l’école n’est pas une partie de plaisir pour tout le monde, mais un jeune qui apprécie ses amis et qui a un cours ou deux d’échec ou de badminton par semaine peut se raccrocher à cela et ainsi être motivé à continuer. Il ne faut donc pas négliger ni sous-estimer l’importance des activités parascolaires.
COUPURES > CONDITIONS DES ENSEIGNANTS
La tâche d’un enseignant est colossale et exigeante. C’est une vocation. Ceux qui choisissent d’enseigner le font par passion. Ils aiment leur métier et leurs élèves le plus gros du monde et ne comptent plus les heures supplémentaires à la maison pour préparer surprises et activités pour ceux-ci.
Selon une étude de 2010, 60 % des enseignants présentent des symptômes d’épuisement professionnel plus d’une fois par mois. 14 % des enseignants ressentent l’anxiété « assez souvent » et 37 % disent ressentir du stress face à leur charge de travail. Finalement, l’échantillon dévoile que 20 % des enseignants donnent leurs cours au quotidien dans un état de détresse psychologique[2].
Il faut donc leur faciliter la tâche par les temps qui courent, pas leur mettre des bâtons dans les roues. Jongler avec des conditions de travail qui sont instables, des contrats à durée indéterminée et des remplacements un peu partout fait partie de leur quotidien. Psychologiquement, c’est un milieu très difficile et les ressources pour les encadrer ne courent pas les rues.
Ils donnent déjà plus que ce qu’ils ont, donc il ne semble que logique de les payer pour les heures qu’ils travaillent à l’école du moins, considérant qu’ils font déjà beaucoup plus que ce qui leur est demandé sans rien demander en retour.
COUPURES > RATIO ÉLÈVES-ENSEIGNANT
Le ministre de l’Éducation, M. Yves Bolduc, basant ses propos sur une étude datant de 2008 (oui, ça fait déjà presque 9 ans…), a dit que le fait d’augmenter les ratios n’aurait pas d’influence sur la réussite scolaire des élèves et de les diminuer non plus. Ce sont les élèves de la 3e à la 6e année du primaire jusqu’à la 2e année du secondaire qui sont touchés. Bolduc annonce ainsi une augmentation de 10 à 15 % de la taille des groupes.
Présentement, les tailles des groupes sont les suivantes[3] :
- Troisième à sixième année du primaire : 26 élèves (20 en milieu défavorisé)
- Première année du secondaire : 28 élèves
- Deuxième année du secondaire : 29 élèves
Cette décision renvoie donc au placard les résultats obtenus grâce au rapport Champoux-Lepage. Les mesures qui avaient été prises avaient déjà coûté plus de 179 millions, mais ils font fi de cela. « Non-sens » vous entends-je crier! Ils coupent dans quelque chose dans lequel ils ont déjà injecté des millions. Oui, le terme cohérence ne semble pas faire partie de leur vocabulaire.
OUF
Et je ne vous ai pas parlé des scandales au collégial et à l’université, qui semblent se multiplier chaque jour. Ça brasse en éducation au Québec!
Je pense qu’il y a quelqu’un, quelque part, qui a pas compris quelque chose.
Pour vous réjouir, dites-vous que M. Couillard verrait en M. Bolduc la « vision de l’éducation pour 2020 »[4]. Seulement 9 mois se sont écoulés depuis le début du mandat et regardez la situation présente. Ça promet…
Alexe Raymond, réviseure, raymond.alexe@gmail.com
[1]Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de la Science, L’accessibilité et la participation aux études supérieures, cahier thématique, 2012, p. 7.
[2] http://archives.enap.ca/bibliotheques/2010/03/30129826.pdf
[3] http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/education/201412/17/01-4829257-des-directeurs-contre-la-hausse-du-nombre-deleves-par-classe.php
[4] http://www.lapresse.ca/la-tribune/actualites/201412/18/01-4829467-bolduc-incarnera-la-vision-de-leducation-pour-2020-selon-couillard.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_vous_suggere_4829257_article_POS2