Je braille tout le temps. Ça fait 22 ans que je suis sur la Terre, ça fait 22 ans que je pleure toujours. Ça fait pas longtemps que j’ai appris à l’accepter.
Je pleure tout le temps pis le monde me juge parce que je pleure tout le temps. « Ben voyons, c’est pas triste! » Le fait est que je ne pleure pas toujours parce que c’est triste. Je pleure parce que c’est beau, parce que c’est touchant, parce que c’est cute.
Je pense que j’ai juste trop d’empathie. Je ne comprends pas que, dans les films quétaines, les acteurs sont payés pour jouer des personnages qui ont le cancer. À la Saint-Valentin, j’ai écouté A walk to remember pis je me suis étouffée dans mes larmes. Mon chum voulait me faire plaisir en écoutant un classique pis ça a fini que je n’avais aucun plaisir parce que je faisais juste lyrer « ouiiiin mais la fille a le cancer, c’est tellement triste ».
Je pleure quand j’écoute des films, n’importe quels films, de Garfield à Les Intouchables. Je pleure quand j’écoute des séries télé quétaines genre Mémoires vives, quand je lis du Marie Laberge. Quand je reçois une mauvaise nouvelle, quand je reçois une bonne nouvelle, quand je vois quelqu’un pleurer. Des fois, je braille parce que mon chat est trop adorable. Je pleure quand je suis fâchée, quand je suis heureuse, quand je suis triste (!). Je pleure chez nous en pyjama, au cinéma, en public.
Des fois, je suis tannée. Je trouve que ça me donne un air vulnérable. Un air fragile. J’ai l’air de pas être en possession de mes moyens. Au contraire; quand je pleure, je me sens en contrôle. Mes émotions débordent, elles s’enflamment, mais c’est parce que je les contrôle. Pis je me suis rendu compte que j’aime mieux pleurer que rien ressentir. J’aime mieux avoir trop d’émotions qu’un vide immense.
Je braille tout le temps. Ça fait 22 ans que je suis sur la Terre, ça fait 22 ans que je pleure toujours. J’apprends tranquillement à l’accepter.
Par Rosie Morin-Michaud
Geneviève Lamoureux
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