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Outlander, Catalogne, mon nationalisme réactivé

Je me suis refusé longtemps à écouter la série américano-british basée sur les très populaires romans Le chardon et le tartan de l’auteure Diana Gabaldon, que non, je n’ai malheureusement pas lus. Je trouvais que la série ressemblait à une adaptation de romans arlequins, façon Fifty shades. L’étalon des Highlands dans sa jupette carreautée, l’épée bien dressée, qui tombe amoureux de la fille… Sûr qui a un peu de ça oui, mais l’histoire d’amour et l’histoire tout court s’y côtoient de manière agréable, en plus de proposer un point de vue féminin intéressant sur ce pays du nord.

Outlander, c’est l’histoire d’une infirmière de guerre anglaise, très anglaise, Claire Randall, qui, lors d’un voyage en Écosse avec son mari Frank, subit un voyage inopportun dans le temps après avoir touché une rune dans un cercle de cérémonie druidique. Elle se retrouve alors en 1743, en pleine révolte écossaise, rencontre l’ancêtre sadique de son mari Jack Randall, et aussi Jamie Fraser, un guerrier jacobin dont elle tombera d’abord lentement puis éperdument amoureuse. Connaissant à l’avance le dénouement tragique du destin des Écossais pendant la rébellion, Claire tente de donner raison à Jamie et à son armée, mais malgré ses tentatives, ils sont prêts à se battre pour leur pays.

Cet été, je suis partie en roadtrip avec mon chum jusqu’au Yukon. C’est quoi le rapport avec la série me direz-vous, j’y arrive. Je suis partie au Canada anglais, ce Canada qui m’a longtemps été étranger bien que si proche. Sûr, il y a beaucoup plus de francophones hors Québec que je pensais, mais vous comprenez ce que je veux dire… Petite, j’ai été élevée dans une famille dont les deux parents, grands-parents, la plupart des oncles et tantes ont voté deux fois oui. J’avais pour idoles Dédé Fortin, Pierre Falardeau, Gaston Miron. Pourquoi? Parce qu’ils soulevaient, je me disais. Ils étaient aussi, tous fermement indépendantistes, ils étaient ce que je croyais, aimais, pensais être Québécois.

Cet été, j’ai voyagé pendant le 150e anniversaire du Canada. J’ai d’abord été dérangée par les drapeaux « Canayens » partout, partout, partout, par les annonces des Proud to be Canadian chez les détaillants des Canadian Tire, par les roches peintes de feuilles d’érable géantes… puis, ça ne m’a plus dérangée parce que j’ai compris qu’être Canadien, ou fiers d’être Canadien, ça ne voulait pas dire, on haït le Québec. Ça peut paraître bien simpliste, mais j’avais l’impression que tous ces drapeaux représentaient quelque chose comme une attaque passive agressive. Non, ils ne nous veulent pas out. Mais nous, moi? Puis je me suis demandée, c’est quoi être Canadien? Est-ce que c’est être Américain, mais plus au nord, ou avoir une canne à pêche pis un suit de chasse comme le prônait Canadian Tire sur ses dépliants tout l’été? Et la question m’a prise au ventre, clairement, alors qu’on revenait de l’Ontario en char. C’est quoi être Québécois? C’est facile de se dire Québécois quand on emprunte la négativité (au sens de négatif comme en photographie). Je ne suis pas Canadienne. Mais je pourrais venir de la Colombie-Britannique et ne pas me sentir Canadienne, je pourrais venir de Terre-Neuve et ne pas me sentir Canadienne. « Je ne suis pas », ne devrait pas être la manière dont je m’identifie. « Je me souviens », peut-être, mais aujourd’hui, qui suis-je? Bref, j’étais là, dans le char entre Wawa et Ottawa, à me perdre dans des pensées identitaires pendant que la conversation en était rendue à la poutine de la Banquise.

On est revenus à la maison à Montréal, et prise en pleine dépression, je me suis mise à écouter la saison 3 de Outlander. Ça m’a frappée après presque dix minutes. L’accent écossais me réconforte. Sa couleur, sa différence, son étrangeté. Quelque chose qui frappe comme quand on change de région, en France. Quelque chose qui représente une population intrinsèquement. Je parle, donc je suis Québécoise? Il y a, bien entendu, des personnes qui se sentent Québécoises sans pour autant être nées ici, des personnes qui détiennent un accent différent, évidemment, cela ne fait pas d’elles des personnes moins québécoises que moi. Mais je suis toujours extrêmement  heureuse d’entendre des Français, Maghrébins ou Haïtiens pousser des « tabErnacle ».

Dans la saison 3, Claire est revenue dans le présent (en 1968 aux États-Unis). Elle et Frank ont déménagé à Boston puisqu’il y est professeur. Enceinte, puis momentanément femme au foyer dans un pays inconnu, elle souffre du mal du pays. L’Écosse lui offrait une liberté qu’elle ne possède plus. En marchant dans la ville un matin, elle entend un joueur de cornemuse. De mon divan, je me suis dit, la musique traditionnelle (et la danse aussi) est aussi pour beaucoup dans l’identité de plusieurs populations. Pourquoi la musique traditionnelle québécoise a pris le bord à ce point? Je ne parle pas nécessairement de toune à la Dégénération (pourtant extrêmement popularisée), mais de cette envie de la musique, du violoneux qui tape sur des caissons. On ne se réserve ce plaisir qu’à Noël, pourquoi donc? Le Québec n’a même plus tout à fait d’hymne national, puisque Gens du pays de Gilles Vigneault a été relégué aux vœux d’anniversaire.

C’est peut-être Outlander, ou l’Écosse, mais aussi ce qui se passe en Catalogne ces derniers jours qui me fait virer dans mon lit. Tellement de violence pour laisser la peur guider le vote… Que je regarde la série ou ben les nouvelles, je reste assise devant un écran qui me montre des images de gens qui se sont soulevés pour leurs idées. Pis je me demande, et ici on fait quoi?

Heureusement, ya des moyens de se sentir moins impuissants devant ces images-là, comme par exemple, regarder Occupation Double…

***

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