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Oui, je fais des erreurs. Non, je me sens pas coupable.

La semaine dernière, j’écrivais sur les intentions. Quand elles déclenchent une catastrophe, notre tête part parfois en vrille, se demandant si elles étaient bonnes ou mauvaises. Ça s’embrouille, on est plus trop sûr de nous : est-ce qu’on est une bonne personne ou une mauvaise? Chaque fois, le résultat est le même. On pense trop, on culpabilise. Sans trop le savoir, on s’empoisonne de pensées négatives, on serre bien le lien du passé pour être sûr de jamais se pardonner.

Dans notre pilulier, chaque jour, on a une petite dose de mea culpa qui s’additionne aux précédentes et intoxique notre âme jusqu’au cancer. On affiche un sourire désolé comme on arbore un chapeau dernier cri. C’est hot, la culpabilité. Le monde aime ça. Ça fait de toi une bonne personne! Ça prouve que t’essaies vraiment full d’être parfait. Une personnalité parfaite selon la vision créée par la société! Parce que t’es rien sans la société, anyway. Si tu fit pas, qu’est-ce que tu fais ici? Tu viens d’où? la planète Kepler-452b?

Moi, je me suis toujours sentie un peu extra-terrestre. (Est-ce que je suis un phénomène isolé? Probablement pas, je suis pas mal sûre qu’on se sent tous seuls ensemble.) Pas parce que je me suis jamais sentie mal — t’sais que je suis pas sociopathe non plus — mais plutôt parce que je suis assez maladroite. Autant physiquement que socialement. Mais, tu sais quoi? Je suis carrément et complètement humaine. Je suis même une humaine version pro! Et tu sais pourquoi? Parce que l’erreur est humaine, et si ma bonne fée marraine m’a fait un don à ma naissance, c’est celui de continuellement me mettre les pieds dans les plats. Et chaque fois, je retombe dans un trou sans fond où je m’en veux toujours plus. Comme si m’avouer que je suis conne m’aidait vraiment à passer outre le fait que je suis bel et bien conne.

Paraît qu’entre 18 et 20 ans, on change autant qu’entre 14 et 18 ans. Je sais pas comment c’était pour vous, mais la jeune emo extravertie que j’étais à 14 ans a rendu très mal à l’aise la calme et studieuse jeune femme que j’étais à 18 ans. Entre les deux, je suis devenue plus gênée que gênante et plus stressée que stressante. C’est pour dire! C’est dans ce temps-là que j’ai développé la mauvaise habitude de suranalyser toutes les situations, pensant que ça faisait de moi quelqu’un de mieux. Je pensais que mes trop profondes rétrospections m’aideraient à changer, à mieux réagir dans le futur. J’avais tout faux. Il manquait une information dans ma formule : l’impulsivité. Peu importe à quel point je réfléchissais aux comportements embarrassants que je pouvais avoir, je les répétais chaque fois. Mon sac à feels est tellement rempli à ras bord, qu’en cas de stress, il déborde et prend le dessus sur mon jugement. Et j’agis n’importe comment, sans prendre le temps d’y réfléchir.

Fait que c’est ça. Avec mon désir d’être une meilleure personne, j’ai commencé à trop penser, ce qui m’a amenée à stresser sur mon comportement, ce qui m’a amenée à ne pas être full naturelle. Pis là, je voyais bien que ça marchait pas! Tant et si bien que j’ai commencé à culpabiliser. Culpabiliser d’être incapable de bien faire les choses, culpabiliser de répéter les mêmes erreurs, culpabiliser d’avoir agi d’une façon, culpabiliser de pas avoir agi d’une autre. Je passais le plus clair de mon temps à me sentir mal. À me tordre intérieurement jusqu’à ce que tout le jus de mal-être sorte, sans savoir qu’en fait je baignais dedans.

Ça me rendait anxieuse. J’étais incapable de faire des choix, je culpabilisais déjà avant d’avoir posé l’acte. Je m’en voulais aussi pour des actes que je n’avais jamais posés. Même que je me sentais visée par tous les statuts Facebook réprobateurs. Même si ç’avait pas rapport avec ma vie. Même si je connaissais pas la personne intimement.

Je culpabilisais en me disant que je faisais fuir les gens qui m’aimaient. Mais qui aime ça se tenir avec une personne-qui-aurait-toujours-donc-dû-et-qui-y-pense-sans-arrêt? Je me comparais aux gens pis je voulais échanger de peau avec eux. La mienne était trop lousse, je me faisais toute petite en dedans.

Pis souvent, je me retrouvais à culpabiliser de culpabiliser.

C’est exténuant de sentir qu’on est pas assez toute, sans relâche. J’en pouvais plus. Mes parents, mes ami-e-s, mes collègues, mes profs et ma travailleuse sociale avait beau me répéter que je devais lâcher prise, apprendre à laisser aller les choses, sacrer patience au passé, j’étais pas prête à assumer tout ce que ça voulait dire pour moi et mon désir opiniâtre d’être la crème de la crème de l’humain (ou plutôt, du surhumain). Je croyais que ça ferait de moi une lâcheuse. Une personne qui a juste pas essayé assez fort. Je trouvais ça égoïste, le je-m’en-foutisme. Ça l’est peut-être.

Mais essayer de plaire aux autres sans arrêt, même si c’est par bon cœur, c’est un peu égoïste. Pis superficiel. C’est pas réellement pour les autres que c’est positif, c’est positif pour notre image.

Paraît qu’entre 18 et 20 ans, c’est là que tu apprends à couper le cordon avec papa-maman. Et c’est là que tu deviens réellement autonome. Les parents sont plus là pour passer derrière toi et réparer tes gaffes; faut que tu te débrouilles. Paraît que c’est là que tu apprends à assumer les choix que tu fais, les actes que tu poses et les comportements que tu adoptes. Paraît que c’est là que je suis rendue.

Fait que fuck les regrets. Fuck la culpabilité. Fuck toute.

Je reset. Pis à c’t’heure, je culpabilise plus. Plus jamais.

Pis oui, parfois, j’agis pas comme je devrais. Sûrement par impulsivité. Pis des fois, ça se peut que tu m’en veuilles si ça t’implique. Mea culpa? OK. Ça se peut que ça change ton image de ma personne. C’est hyper poche, mais je m’en ferai pas plus qu’il faut. Je m’excuse pis je passe à autre chose.

Tu peux m’accuser, je m’en voudrai pas. Toi, tu m’en veux encore? OK. Prends ton temps.

Où ça mène de mettre la faute sur moi? Ça te fait du bien d’enlever ton sac à dos de culpabilité pour le mettre sur mes épaules? Fais-le! Mais sache que moi, je le traînerai pas. Je vais le déposer pis je vais continuer ma randonnée. J’ai pas le temps de m’autodétruire.

Lance-moi tous les mots tranchants qui libèrent ta rage. Quitte à me faire de la peine. Je serai loin. C’est pas que je veuille te laisser seul là-dedans. C’est juste que même si t’avais la patience de m’écouter me fondre en excuse, il y a rien que je pourrais dire qui calmera la tempête de tes pensées. T’as de la brume dans tes lunettes? Qu’est-ce que tu voudrais que je te dise? Que je suis conne et que je suis rongée par les remords? Faut pas gaspiller ta salive et ton temps à me faire admettre des choses aussi douloureuses alors que tu me croiras même pas. Ce sera pas assez satisfaisant pour me pardonner et tu seras pas plus en paix avec ça. On va être triste, fâché pis déçu pareil. Sinon plus.

À culpabiliser, on perd du temps pour s’épanouir.

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