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On a tenté le « nous deux »

En faisant ses yeux doux, ses classiques yeux-doux-un-peu-trop-doux-qui-me-décalissent-le-coeur-à-chaque-fois, il s’est emparé du plateau d’argent que je lui tendais.

Transparente. Authentique. Fébrile.

Ce plateau scintillant qui offrait la plus belle « moi », celle qui s’ouvrait enfin à lui en soufflant :

« Prends-moi. Prends-moi par la main, par la hanche ou au creux des reins. Prends-moi fort entre tes bras réconfortants. Prends-moi comme je suis, avec mes petites insécurités qui t’font sourire depuis les 6 derniers mois. Prends-moi pour la grande nuit, pour le petit jour. Prends-moi dans tes bras.

Prends-nous dans ta vie.♥»

Et en écoutant la fin de mon élan romantique, il m’a soulevée d’un seul bras, en m’empoignant habillement sous mes petites « foufs ». Son autre main flattait mon dos, rapprochant nos poitrines l’une de l’autre. Et mes pieds s’étaient retrouvés au bas de son dos, s’étaient cramponnés ensemble et le ceinturaient tendrement.

Son souffle chaud chatouillait le bout de mes lèvres qui se pinçaient légèrement. Timides. J’ai ri, d’une seule petite expiration. Rouge. Dans l’euphorie de ce petit moment parfait.

J’y ai cru, probablement autant qu’il aurait voulu « qu’on » puisse tenter le « nous deux ».

Pourtant, au ralenti, mes iris ont perçu ses lèvres qui tendaient à vouloir s’articuler. Mes paupières se sont ouvertes, béates, dans un éclat de panique, en décryptant le son qu’il modulait.

« Non ».

Mon regard en alerte rouge faisait des allers-retours dans chaque petite cannelure de ses pupilles.

De droite à gauche. De gauche à droite.

À la course folle, à la recherche d’explications. À la recherche de toute la sincérité et de la confiance qu’il y avait dans ces mêmes yeux-là, le matin même, la veille, la semaine d’avant.

Et le mois dernier aussi, lorsqu’il m’avait chuchoté : « tu sens bon », en caressant le bas de ma nuque.

« Non ».

En écho, en écho…

Ça me « décalissait ». Presqu’autant que ses yeux, qui étaient encore aussi doux. Plus doux encore même, comme s’il tentait d’excuser ou de pardonner son « empêchement ».

Son « chokage ».

Et après mon léger-navette dans son regard, j’ai compris ce qui allait briser notre relation.

Son envie était une chose. Sa raison, une autre.

Et il aurait voulu m’accompagner là, dans notre paradis perdu, mais sa raison, douanière sévère, empêchait la circulation des belles émotions.

C’était non négociable. Inflexible. Rigide.

« Rationnel » comme il a tenté de me l’expliquer. Avec son cœur qui pleurait en background, en sourdine.

Sa vie serait donc ainsi pour les prochaines années: sans relation amoureuse, sans petite amie, sans moi. Sans plateau d’argent.

« Sans attachement » comme il m’avait pourtant prévenu à nos commencements.

Aurions-nous pu deviner que ces quelques nuits enlacées allaient percer nos petites carapaces de célibataires endurcis?

Il m’a posée au sol. J’ai levé le menton, pour ne pas perdre de vue son regard. Pour garder cette proximité discontinue le plus longtemps possible. Encore.

Aucun de nous n’avait de réponse. Muets. Victimes de notre propre jeu, de notre promiscuité. De notre volupté. Pire, de notre attachement. De notre amour impossible. Non, « rationnel ».

Puis, la reine-raison s’est écriée : « échec et mat! »

Et en un coup de vent, le pion s’est retourné.

Il est parti. Docile.

Et dans sa démarche lente, je percevais la peine qu’il échouait à dissimuler.

Pourtant, je n’ai pas pu cacher ma fragilité et partir d’un pas lent, moi aussi.

Ma vision s’est embrouillée, j’ai perdu pied. En déséquilibre.

Mon plateau est tombé.

S’est fracassé.

En mille miettes.

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