Je regarde des vieilles photos de nous deux qui traînent dans mon cellulaire. J’observe attentivement mes 205 publications sur Instagram à la recherche d’une réponse sensée qui pourrait m’expliquer, en un coup de défilement, ton absence capturée par le silence.
Parce que ton silence, c’est long, c’est sec, pis ça me laisse un goût amer dans la bouche. Le tien sert à justifier les mots que tu n’as plus la force de prononcer; il me garde en alerte; il m’inflige des doutes constants qui s’enracinent et qui font grandir mes craintes jusqu’au ciel.
C’est écrit dans les nuages « J’veux pas te perdre ».
Tandis que le mien, c’est tout simplement de l’orgueil mal placé, causé par un sentiment d’abandon.
Pourquoi serait-ce moi qui ferais les premiers pas?
Le silence, c’est une torture.
J’ai perdu un ami. Un ami d’enfance. Un ami avec qui je passais tout mon quotidien. Un ami que je n’aurais jamais pensé ne plus avoir dans ma vie un jour.
En fait, j’ai perdu un ami contre le temps, à force de me dire que l’éloignement de l’un envers l’autre n’était que provisoire. Les mois, eux, ne nous ont pas attendus et n’ont fait que nous séparer davantage, ce qui a créé un mur entre l’intimité de nos secrets et nos promesses de demain.
Pis ça, quand je l’ai réalisé, il était déjà trop tard. Un gros bloc de glace s’était installé entre nous deux, et ça a mis un p’tit frette. Une machine à remonter dans le temps a pris la place dans nos bouches et, pour briser la glace, nos conversations aboutissent désormais par « te rappelles-tu de… » ou ben « t’sais la fois où… ». Pis pendant qu’on se remémore les souvenirs d’une réalité qui n’était pas si lointaine, on oublie d’en profiter aujourd’hui pour se bâtir un avenir sûr, un avenir heureux.
Perdre un ami ne veut pas forcément dire qu’il ne fait plus partie de notre vie, que pour une raison quelconque, nous avons mis un terme à cette amitié. Non, pour moi, perdre un ami, ça veut aussi dire qu’il est toujours là, mais ailleurs, mis à l’écart de nos problèmes, de nos joies, de nos peines, de nos angoisses, de nos projets.
C’est de le laisser partir sans courir derrière lui pour le rattraper. C’est de ne pas prendre soin de lui.
Alors il deviendra un ami absent. Un ami qui te souhaitera un « bonne fête » impersonnel sur Facebook, comme tes 80 autres amis Internet. Un ami que tu croiseras à l’épicerie et que tu salueras, gênée, en t’empressant de partir de peur qu’il y ait un malaise.
Un ami qui s’ennuie de toi, mais qui ne te le dira peut-être jamais parce qu’il attend la même chose que toi.
Et pendant cette absence, il y a ces chansons qui me rappellent toi; ces insides que je ris à moitié parce que tu n’es plus là; ces visages que j’essaie tant bien que mal de remplacer par le tien, et moi, qui m’en veux d’avoir laissé partir notre amitié en coup de vent. Parce qu’au fond, c’est toujours après qu’on regrette de ne pas avoir essayé plus fort.
Alors qu’au final, la seule et unique réponse qu’on puisse trouver à cette grande perte injustifiée, c’est « on a juste arrêté de se parler ».