Le rire jaune qu’on émet lorsque le professeur fait une blague à propos de novembre, ce mois de lassitude et de déprime. Novembre qui s’étend jusqu’en avril, jusqu’en mai. Novembre qui pour moi n’est que juin à la puissance dix. Vivre dans un monde de novembres qui s’enchaînent les uns après les autres, certains plus frisquets que d’autres. Novembre, l’autre épée de Damoclès. J’ai le gris qui me colle à la peau, un univers de feuilles qui tombent, d’après-midi pluvieux et de sweatshirts.
Tout au long de l’hiver, j’ai le corps enseveli sous la neige; on le retrouvera au printemps durant le dégel, meurtri par la température, fané comme un papier oublié au sol avant une tempête de neige, méconnaissable des mois plus tard. Réapprendre à vivre à chaque printemps, comme les plantes. J’ai peur de rester figée par le froid, cette année. J’aurais dû suivre les oiseaux dans leur migration.
Novembre me fait peur, car il expose mon corps tempéré au doux septembre à un froid mordant qu’il a oublié dans la chaleur confortable de juillet. Essayer d’oublier novembre en se concentrant sur le temps des courges, sur les chocolats chauds, sur les congés qui s’en viennent. Novembre fait peur, car il vient sans prévenir : on va cueillir des citrouilles sans souci en octobre, on fête au festival étudiant de l’université puis le lendemain on a les lèvres bleus. À chaque respiration, ma gorge s’écorche; j’ai vu le jour dans une tempête de neige qui m’a marquée au fer rouge – j’ai les rhumes faciles et les hivers difficiles.
Mon corps ne produit pas son 37 °C seul, il a besoin d’aide; quelques degrés sous la norme tout au plus, le bout de mes doigts est un contact auquel on doit s’habituer. Le froid s’infiltre jusqu’à mes os, me casse les poumons, circule dans mes veines. Même si j’avais tous les corps du monde autour du mien, tout l’inventaire de la SAQ au fond de la gorge, je tremperais sûrement encore, je pense, un peu.
Essayer de se rappeler que la neige finit toujours par fondre. Chaque jour, voyant le sol blanc, se rappeler le gazon. Apprécier le froid via le confort du lit chaud dans lequel on somnole jusqu’à midi lors des congés. Les lectures auprès du foyer. Les chocolats chauds et le bouillon de poulet, une thérapie à eux-seuls. Essayer de se réapproprier les mois froids; la neige est terrifiante, mais belle.
Par Catherine Fortin
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