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Nous ne sommes pas infaillibles

La jeunesse est l’âge de l’insouciance, je ne vous apprends rien. Il y a quelque chose de si beau dans toute cette naïveté. Elle permet l’existence du lapin de Pâques et de la fée des dents, du père Noël et de toutes sortes de super-héros : Batman, Superman, Spiderman… même l’autre homme, le plus fort ; notre père.

En fait, que ce soit notre père, notre mère (peu importe qui est la figure la plus marquante pour nous), quand on est jeune, on pense que les adultes ont toujours raison. On pense qu’ils ne font pas d’erreur, qu’ils sont plus forts que tout. Puis, peu à peu, on vieillit et la vie se charge de remettre les pendules à l’heure. Elle est bonne là-dedans, la vie. Il n’y a rien de mieux qu’une bonne dose d’expérience pour nous rappeler à quel point on sait peu de choses sur peu de choses.

Selon moi, devenir adulte, c’est comme entrer dans une gang qu’on a toujours admirée de loin, sans jamais vraiment la comprendre. On ne réalise pas ce qu’on veut quand on dit qu’on veut faire partie du groupe. On ne réalise pas ce que ça implique : on veut faire les choses vite, on veut devenir un membre à part entière. Puis, ça arrive : on devient adulte et on réalise que c’est pas mal moins cool qu’on le pensait. On prend conscience qu’il y a plein de règles à suivre, qu’il faut avoir une façade constamment, qu’il faut avoir l’air au-dessus de nos affaires, et ce, même lorsqu’on ne l’est pas. C’est nous, maintenant, les infaillibles, sauf qu’on est pleinement conscient à quel point cette infaillibilité est précaire et que, malheureusement, ça va de même pour les autres membres du groupe, même nos parents – surtout nos parents.

C’est une des choses les plus difficiles à accepter : la faiblesse potentielle de ceux qui nous ont élevés. C’est voir s’éteindre le mythe du super-héros devant nos yeux : on grandit en pensant que nos parents sont infaillibles, qu’ils ont la solution à tout, qu’ils ne peuvent pas flancher. On ne réalise pas alors que ce n’est pas qu’ils ne peuvent pas flancher, mais simplement qu’ils ne s’en accordent pas le droit. La jeunesse, c’est beau, parce que ça vient avec une candeur protectrice ; la tristesse de vieillir, c’est qu’on perd cette protection. Lorsque le lapin de Pâques n’est plus qu’une histoire qui nous amuse, lorsqu’on doit ramasser notre mère à la petite cuillère, parce qu’elle est triste, lorsque notre père tombe malade, on voit la vie comme elle est vraiment, on voit nos parents comme ils sont vraiment, des humains, tout simplement. On leur en veut, au début, comme on en veut à la personne qui nous vend le punch sur le père Noël. On se cache dans un déni, on ne veut pas croire que cette force inébranlable de nos parents n’était qu’un mythe, une façade pour assurer notre bonheur jusqu’à ce qu’on soit assez grand pour accepter la dureté de la vie.

Avec le temps, on en vient à comprendre que ce n’est pas mal de devoir prendre soin de ceux qui ont tant pris soin de nous, que c’est le juste retour des choses, pour toutes les fois où ils ont essuyé nos larmes, panser nos blessures, pour toutes les fois où ils ont été forts pour nous… C’est le cours normal des choses d’être forts pour eux à notre tour. Nos parents ne sont peut-être pas infaillibles et peut-être que la vie les rend plus fragiles, plus chancelants, mais ils ont été là, les mains prêtes à nous rattraper à nos premiers pas, à notre premier coup de pédale sans petites roues en arrière du vélo. Depuis nos premiers moments, ils ont formé un mur entre la vie et nous, nous ont donné le temps de nous créer une carapace assez forte pour subir les épreuves de l’existence. Il est bien normal, fraîchement arrivés à l’âge adulte, avec notre carapace encore vierge et forte, de leur rendre la pareille un peu, non?

Au fond, c’est la plus belle chose à tirer de cette gang dont on fait désormais partie. Une fois le mythe disparu, on peut se permettre de s’appuyer l’un sur l’autre. On peut se partager la cape de super-héros, selon la situation. On peut se rendre compte qu’un bouclier, c’est bien, mais deux, c’est mieux.

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