— « Ben là, une chanson, ça bâtit pas une carrière »
— « Tu diras ça à Calixa Lavallée », j’ai répliqué à mon beau-père.
On était tous assis à table pour déjeuner, comme un vrai samedi matin québécois. Ma mère, son chum pis moi. Tous les trois, on était en train de parler de la programmation du FEQ.
D’habitude, le matin, on parle de Ricardo parce qu’on est des vrais Québécois, mais là j’avais réussi mes gaufres avec sa recette alors personne avait rien à dire sur lui.
— « Iggy Azélaélaéa, ma mère a demandé en lisant le site internet de peine et de misère, c’est qui ça? Ça sonne Africain. »
— « C’est un groupe du Rwanda qui fait du gum boots. Va les voir ça va te rappeler ton voyage », j’ai renvoyé à ma mère.
Elle est pas vite vite, alors elle a acquiescé et souri. « Ça l’air cool! »
C’était vraiment drôle comme déjeuner. Je sais pas pourquoi, mais y’a des matins comme ça où tout le monde est de bonne humeur. Même quand l’économie, l’éducation, le système de santé pis tous les personnages de Yamaska vont mal, nous autres, les Québécois, on est de bonne humeur.
Mon beau-père avait les deux mains dans le publi-sac pour trouver le meilleur deal de la semaine, mais il levait les yeux de temps en temps pour lâcher un commentaire sur Gregory Charles et le festival des chorales de Laval. Ma mère riait à tout ce que je disais. C’est vraiment un bon public. Souvent je teste mes gags sur elle avant de les faire devant ma vraie audience : le vendredi soir un peu pompette devant mes chums de filles t’sais.
Ma mère m’a même déjà dit que je devrais faire l’école de l’humour. Briller aux côtés des plus grands humoristes de notre beau Québec. Être la prochaine Lise Dion. Faire un numéro avec Martin Matte. Mais au final, j’avais pas trop envie de faire des annonces de char alors j’ai décidé d’aller au Cégep.
On a continué à parler du FEQ.
— « Maman, tu penses qu’ils feraient comment avec Martin Deschamps s’il fallait le monter sur la scène Bell? Un slingshot? Un ascenseur? »
Maman trouvait plus ça drôle. Les jokes de moignons c’est pas son truc.
Alors j’ai arrêté de parler et ça a coupé notre petit déjeuner familial net, frette, sec. Moi, quelqu’un qui rit pas à mes blagues, ça me met vraiment off. Je me suis traînée jusque dans mon salon (c’est-à-dire exactement deux enjambées plus loin pour moi et une enjambée pour Charles Lafortune) et j’ai allumé la télé. Rien à Canal Vie, rien à TVA, rien à V (R.I.P. TQS, le mouton noir de la télé). Zap zap zap. Rien. J’ai appuyé sur le gros bouton jaune avec « 900 » écrit en noir de ma télécommande.
Pas un film. C’est trop d’engagement.
J’ai fini par choisir la finale de la Voix parce que je me suis rendu compte que je l’avais jamais vue, même si ça fait deux-trois-quatre semaines que c’est passé.
Quatre-vingt-dix minutes plus tard, c’est Kevin qui a gagné. Kevin. Kevin.
J’étais team Mathieu, moi.
— « ON A ÉTÉ BATTUS! On a été battus par l’argent pis les votes ethniques! »
J’ai crié dans mon salon.
Mais ma cuisine est à deux enjambées pour moi, pis une pour Charles Lafortune, alors ma mère m’a entendue.
— « Adèle calme-toi, t’as pu 5 ans. Pis baisse le son, ça crie dans TiVi. »
Moi, quelqu’un qui m’empêche de citer Jacques Parizeau, ça me fâche. Alors j’ai fermé la TiVi en appuyant violemment sur le bouton rouge de mon autre télécommande et j’ai sorti mon ordinateur. J’ai automatiquement ouvert Facebook, mais y’avait rien de nouveau alors j’ai ouvert laPresse.ca.
Terrorisme blabla cégep du Vieux-Montréal blabla austérité blabla Canadiens-Sénateurs blabla. Les mots défilent, mais de jour en jour, c’est du pareil au même.
Et quelque chose retient mon attention.
C’est PKP qui me regarde avec un grand sourire et son petit poing en l’air.
« Course à la chefferie du PQ ». Je clique sur le lien.
Après mûre réflexion, lecture de sa campagne, 15 grosses minutes à feuilleter dans les profondeurs d’Internet pour me forger une opinion sur la course, j’ai conclu que PKP, c’était vraiment une mauvaise idée pour le PQ.
Imaginez notre belle Julie nationale qui se la joue Michelle Obama. Cette offre est re-fu-sée!
Tant qu’à mettre PKP, j’opterais plus pour René Angélil. Lui, il nous représenterait comme il faut. À l’image de notre beau Québec d’aujourd’hui : vieillissant et ben malade. En plus, on aurait Céline au bercail; elle aurait plus d’affaires à se terrer à Vegas. Sans oublier qu’à l’international, René pis Céline rayonnent ben plus! Pour faire du Québec un pays, il nous faut des VRAIES vedettes. Pas juste des petits entrepreneurs…
Alors j’ai cliqué sur le « X » en haut de la page et j’ai ouvert Facebook. Toujours rien de nouveau dans l’actualité.
J’ai écrit Alexandre Cloutier dans la barre de recherche.
J’ai liké sa page.
TIENS mon PKP!
Avec mon like, c’est sûr que tu gagnes pas!
J’ai rabattu mon écran d’ordi, sans même appuyer sur le « X » de Firefox, et j’ai appelé Clara.
— « Ça te tente tu de faire des muffins? J’ai spotté une recette avec du thé vert matcha sur Trois fois par jour? »
Pis j’ai pu repensé à PKP, à Julie pis à Céline. Parce que notre politique au Québec, c’est de pas parler de politique à moins que ça soit pour chialer contre Couillard, pour parler sans rien dire. Parce que ça, ça fait avancer notre beau Québec.