Je ne sais pas pourquoi je relis des messages échangés avec des gens à qui je ne parle plus. J’ai encore tant de rancœur après Stacey Rothschild du secondaire, même après qu’elle se soit excusée pour les pranks quand je l’ai revue il y a un an. J’éprouve encore tant de tendresse pour Simon, même après qu’il soit parti. J’ai encore une peur bleue d’être recalée aux examens, même après être passée au travers de ma période « j’m’en câlisse de l’école » avec les honneurs à la fin du secondaire. C’est fini tout ça. C’était il y a longtemps. Et pourtant…
J’ai beau avoir des ambitions dans la vie, et pas des moindres, je marche à reculons depuis toujours. Pis ce n’est pas les victoires que je vois. C’est les lunettes cassées. Les rires moqueurs. La rupture. La trahison. L’échec. Tout ce qui fait que, quelque part, je ne changerai jamais assez. Pas assez pour tromper les apparences ; encore moins me tromper moi-même. Ma tête n’est jamais sortie du pot de chambre. Mon cœur bat toujours tout croche, pis j’suis hypermétrope. Je ne vois pas ce qui est en face de moi. Pourtant j’aimerais vivre au jour le jour, mais on dirait que j’suis mal faite. Je vis dans le passé pis dans le futur, mais le présent, je ne sais pas ce que c’est. Je suis en projection constante.
Mais tu ne peux pas donner le meilleur de toi-même quand tu vis comme un spectre qui se déplace constamment dans le temps. Tu vis dans un paradoxe, parce que pendant que tu te tournes vers le futur, les mites du regret te grignotent et avant même que tu n’aies eu le temps de te regarder dans le miroir, tu te trouves laide de ressentiment. Et pourtant…
Il y a tant de choses à savourer à la minute où j’écris ces mots. Chaque seconde qui passe est une chance pour sourire. Je veux sourire face à mon passé. Je voudrais y serrer la main si je le pouvais. Mais pour l’instant, un sourire suffira. Après tout, « c’est payé, oublié, balayé ». On se fout du passé. À défaut de ne pouvoir jamais saisir l’instant, naviguons sur le présent.
Source photo de couverture