Nous sommes tous déjà passés, au moins une fois dans notre vie, près d’une personne aux prises avec des difficultés financières et qui nous demandait de l’argent. Devant une telle demande, on choisit de remettre quelques pièces de monnaie ou pas. Ne sachant pas comment cet argent sera utilisé, beaucoup s’abstiennent de donner. Parce que quand il est question de gens en situation d’itinérance, on parle de personnes stigmatisées dont on a souvent l’impression qu’elles n’ont que de mauvaises habitudes de vie. Beaucoup croient que le peu d’argent qu’on leur remet ne sert qu’à la consommation de substances comme la drogue et l’alcool.
Je lève donc mon chapeau à ces trois femmes de Québec qui ont trouvé une solution pour contrer ce dilemme moral dans le quartier Saint-Roch. Elles se nomment Jessy Robichaud, Alexia Alaux et Victoria Thân et sont membres du groupe Enactus de l’Université Laval. Elles ont eu la brillante idée d’instaurer une monnaie locale dans le quartier, monnaie qui permet de se procurer des produits de base tels que de la nourriture et des produits d’hygiène, mais avec laquelle il est impossible d’acheter de la loterie, de l’alcool et du tabac.
L’idée est née dans le cadre de l’association scolaire de l’Université, et les trois jeunes femmes trouvaient dommage qu’elle reste dans les locaux et de ne pas faire naître réellement le projet. Elles ont donc entrepris des démarches en allant discuter de leur projet de monnaie dans différents commerces et organismes.
Cela a porté fruit, car deux commerces et un organisme ont décidé de participer au projet.
Oui mais, comment ça marche?
C’est simple : pour faire un don, vous pouvez vous procurer les pièces de monnaie au coût de 1$ chacune, à l’un ou l’autre des 3 établissements participants suivants : la pharmacie Brunet sur la rue Saint-Joseph est, l’Inter-marché sur la rue Saint-Joseph est et l’organisme Lauberivière sur la rue Saint-Paul.
Il y a deux façons de remettre l’argent (faire un don) :
Vous pouvez faire un don sur place dans les établissements participants, et ceux-ci se chargeront de le remettre aux personnes concernées jusqu’à concurrence de 5 $ par visite par personne.
ou
Vous pouvez acheter les pièces et les remettre directement à quelqu’un dans la rue.
Même s’il est vrai que certaines personnes en situation d’itinérance peuvent consommer des substances tel qu’alcool et drogue, il ne faut pas oublier qu’elles doivent aussi manger comme tout le monde. Ce sont des êtres humains comme vous et moi. Cette monnaie locale permet donc aux personnes itinérantes de se procurer des services ou produits essentiels.
Beaucoup s’accordent pour dire que les pièces du projet Entrai-dons, sont bien plus que de la monnaie, car l’initiative permet aussi un accès plus grand vers les sources d’aide. Quand une personne se retrouve dans une situation aussi précaire que l’itinérance, le peu d’estime qui lui reste l’empêche souvent d’aller chercher l’aide qu’il lui faut. Elle a souvent peur d’être jugée encore une fois pour les différentes problématiques qui la concernent. En aidant de la bonne façon, ça aide aussi en quelque sorte à changer les perceptions.
Un autre exemple, même si la maison l’Auberivière offre un service d’hébergement gratuit, le fait que la personne soit capable de payer sa nuit lui permet de faire perdurer son sentiment d’être digne et l’encourage à aller vers ces ressources, car au moins elle donne quelque chose en échange. Notre dignité, au final, est la dernière chose qu’il nous reste en tant qu’êtres humains et qui nous suit tout au long de notre vie.
Je dis bravo à ces femmes pour ce projet doté d’une humanité profonde.
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