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Mon foulard d’automne

À l’arrivée de l’automne, alors que les feuilles des arbres se dessèchent et que les poils du cou se redressent, comme chaque année, je m’excite vers le coffre en bois de la cave duquel émane l’odeur cendrée du sillon des souvenirs étiolés. Je me vêts d’un grand foulard rouge bariolé en laine et me confonds, d’une voltige-vertige par la fenêtre, au décor qui vibrionne de pigments émergents.

Entre chaque lampée du vent saveur d’humus, je devine un gazouillis en moins, et une feuille se détache de sa branche dans un murmure de chagrin. Dans les rues, des tas de feuilles empilées en bordure des pavés. Dans les rues, des tas de feuilles mortes dépareillées, encore écarlates et ambrées, bientôt d’un brun sali et craquant.

Les oiseaux frissonnant quittent vers des latitudes moins froides. La clameur d’une envolée de quelques retardataires résonne dans le feuillage frétillant des arbres constituant les réceptacles des songes, là où toutes les têtes de plumes éparpillées crient de concert leurs aspirations dans l’écho emprisonné de leurs rêves. Tel un luminaire imposant de notes pointues chantées avec émulation, les arbres absorbés de tant d’idées erratiques réverbèrent les présages de l’hiver imminent et les légendes des oiseaux voyageurs.

Mais alors que l’abîme du silence envahit les passerelles et que la présence amicale des hirondelles se raréfie graduellement dans les jardins efflorescents, les feuilles abandonnées se font tomber une à une au son d’une déchirure ensommeillée. D’autres, devant cette solitude sidérale, pirouettent sur elles-mêmes jusqu’à s’étourdir en guettant la venue tant espérée d’un merle égaré. Et à force de chercher de tous les côtés en tourbillonnant, la résine qui les rattache aux ramifications se décolle, ainsi les feuilles s’envolent au gré des rafales crépusculaires suivant la trace des oiseaux émigrés depuis longtemps, mais se frappent rapidement à l’injustice de leur destin asphalté.

La couleur rouge des feuilles n’est belle que dans la colère résignée qu’elles ressentent à voir les oiseaux s’en aller.

Et voilà pourquoi les feuilles des arbres tombent; parce qu’elles sont tristes de voir leurs amis les oiseaux partir en des lieux lointains, et pressés comme chaque année, ils oublient de leur dire qu’ils reviendront bien vite, à l’arrivée du printemps.  Dans les bourgeons du printemps, les oiseaux reviennent extraire leurs rêves ressuscités de la floraison des songes, comme j’y récupère chaque automne dans le coffre en bois mon grand foulard rouge, m’empressant de m’y envelopper, exaltée par la chaleur incandescente des anciennes mémoires …

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