Ça m’arrive souvent de me retrouver dans cette situation-là : je parle de mes goûts de gars avec des amies, du fait que c’est le charisme des gens qui me charme, leur confiance en eux, leur assurance, que j’ai toujours sorti avec des gars très différents physiquement parce que, justement, c’était pas ça qui me tombait dans l’œil, le cœur, pis le bas ventre. Et chaque fois, ou presque, j’ai une amie qui me répond « ah moi non, moi j’aime les gars, t’sais les vrais gars là », et, chaque fois, tout le monde acquiesce comme si tout le monde comprenait et la discussion se poursuit.
Mais c’est quoi hein, un « vrai » gars?
Parce que je pense même pas que moi je serais capable d’affirmer qu’un gars c’est juste quelqu’un qui a un pénis mettons (s’cusez pour le mot pénis, moi aussi je suis autant surprise que vous, je pensais pas venir jaser de pénis ici à soir mais bon, maintenant qu’on est là…). Parce qu’avoir un pénis c’est même pas ça être un « vrai » gars.
Parce que tu peux en avoir un pis être le moins gars des gars et ne pas du tout t’identifier à ton entrejambe attribué par pur hasard. Parce que tu peux ne pas en avoir un et agir comme si t’avais le pénis le plus enviable de la terre entre les jambes et souhaiter qu’il apparaisse soudainement par magie tous les soirs en te couchant.
Fait que c’est quoi un « vrai » gars? Un gars qui trippe plein air? Un gars qui est manuel? Un gars aux épaules carrés? Un gars qui lave pas ses mains avant de souper? C’est quoi? Et surtout, pourquoi c’est juste à eux qu’on donne le droit d’être « vrais »?
Les autres, tous les autres qui ne fabriquent pas de meubles et ne capotent pas sur les jeans pleins de bouette en fin de journée, ils sont faux eux? Ils ne sont pas de vrais hommes?
Pour vrai, je suis sincère au boutte, c’est quoi cette idée-là qu’on a eu de décrire les gars manuels comme des vrais gars parce qu’ils aiment être dehors et qu’ils n’aiment pas le cinéma d’auteur et qu’ils n’ont pas de longues jambes et un grand tronc mince ou des bras pas vraiment musclés.
Non mais, c’est parce que, qu’est ce qu’on s’en fout non?
Je veux dire, non on s’en fout pas, t’as ben le droit de tripper sur les gars d’extérieur, mais moi j’ai aussi le droit de tripper sur… les gars d’extérieur s’ils sont charismatiques?
J’veux dire, c’est tellement plate comme contraintes. Comment on peut savoir si le gars qui trippe sur les sapins il aime comme on aime être aimée ou fait l’amour comme on aime faire l’amour ou nous fait rire avec les blagues qui nous font rire si on sait juste qu’il trippe sur les sapins?
C’est pas un trait de personnalité, c’est pas juste d’être décrit comme ça et c’est surtout très peu précis!
Aucune d’entre nous voudrait être exclue de la catégorie d’être « une vraie fille » si elle existait, alors pourquoi on continue de dire ça d’abord?
« Non mais vous comprenez? »
Non, non je ne comprends pas ce que tu veux dire.
J’ai aimé pas mal de gars et aucun d’entre eux revenait avec une chemise de chasse sur le dos ou m’aidait à planifier une randonnée au mont Orford, et pourtant, je mettrais ma main pis mon âme au feu qu’ils étaient des vrais gars, même s’ils savaient pas allumer un feu mais qu’ils savaient poser des tablettes.
Des vrais beaux gars très différents, très singuliers, et surtout, très vrais, très concrets, très sincères dans ce qu’ils sont.
Je pense juste que c’est pas une pression nécessaire, alors, je sais pas, pourquoi pas changer la mode? Pourquoi pas arrêter d’utiliser cette expression-là « un vrai gars » et la remplacer par des qualificatifs plus précis?
C’est nos goûts qui se préciseront aussi, tout comme notre ouverture.
Parce que y’en a vraiment plein des vrais gars. En fait, y’a juste ça.
Fait que vas pêcher ma chumme, tu pourrais être surprise!
(Je parle d’aller pêcher des vrais gars ici, pas des poissons, mais vous irez pêcher des poissons après si vous trippez pêche là c’est pas de mes affaires!)
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