« Trop courte, trop révélatrice, non appropriée… » Pour certaines personnes, la mini-jupe reste un sujet de débat depuis ses débuts. Pour d’autres, elle est et reste une arme ; une arme de protestation et d’affirmation. En 2015, en Tunisie, le président de la Ligue pour la défense de la laïcité et des libertés et l’activiste féministe Najet Bayoudh répondent à un événement survenu en Algérie – on retire le droit à une femme de faire un examen parce qu’elle porte une jupe trop courte – en appelant les femmes, le 6 juin, à sortir dans la rue en mini-jupe comme « signe de solidarité avec la femme opprimée », peu importe où elle se trouve dans le monde. De cette initiative est née la Journée mondiale de la mini-jupe.
Puisqu’il est généralement banal, pour nous, Occidentaux, de voir des mini-jupes un peu partout lorsque les rayons du soleil commencent à réchauffer notre épiderme, il est important de plonger dans son historique pour comprendre toute la conversation autour du morceau. Plus qu’un simple vêtement, la mini-jupe est une des pièces importantes de la révolution sexuelle des années 1960.
C’est Lucien Longman, un maître tailleur, qui a imaginé ce style innovateur à l’époque pour sa compagne. En 1962, il reproduit alors ce modèle pour la maison Jean Raymond, où il travaille. Mary Quant, une styliste de Londres, le repère tout de suite et en crée un similaire pour elle, puis pour ses amies. Ce sont elle et le créateur André Courrèges qui ont fait croître sa popularité. Mais la réception vis-à-vis des géants de la mode ne fut pas bonne. Coco Chanel ne comprenait pas pourquoi on voulait faire un vêtement qui soit taillé au-dessus du genou et décrivait celui-ci de « terrible ». Ce qui choque avec la mini-jupe, c’est qu’elle ne couvre pas l’entrejambe comme le fait le pantalon. De là viendrait sa connotation sexuelle. Malgré ces commentaires, la mini-jupe est vite montée sur les passerelles et les femmes d’un peu partout en Europe l’ont adoptée. Elles voulaient se distinguer de la génération précédente. Ce sont également dans les mêmes années que la pilule contraceptive est devenue disponible.
La mini-jupe ouvre de bien larges horizons sur la libération des corps et de la sexualité dont il est important de discuter pour en taire les tabous et les préjugés. Si l’on regarde du côté des questions sur le genre, on découvre que la mode est moins unisexe qu’on le prétend. Selon la journaliste de mode Alice Pfeiffer, la mode n’est qu’« une masculinisation globale ». Et je crois qu’elle n’aurait pas faux… Ce qui est bien avec le fait que l’on en apprend plus chaque jour, c’est que l’on peut revenir sur nos propos passés et les remettre en question. J’ai parlé, dans un récent article, du power dressing dans les années 1980, ce mouvement qui voulait que les femmes se vêtissent de tailleurs et de pantalons plutôt masculins. Or, acclamant cette forme d’affirmation, je n’avais pas réalisé que cette façon de s’habiller se référait encore une fois aux hommes. Les femmes s’habillent selon des codes vestimentaires masculins. Pour le comprendre, on peut penser aux années 1980. Une femme qui emprunte des pièces réservées aux hommes est considérée comme forte et influente, ce qui n’est pas une mauvaise chose. Par contre, à l’inverse, un homme qui porterait une jupe serait jugé durement et serait « rabaissé au genre inférieur », comme le dit madame Pfeiffer. Là, il y a problème.
Puisque la fluidité des genres est quelque chose de très actuel, à quand les hommes qui portent des jupes parce qu’ils se sentent bien avec ce vêtement ou parce qu’ils veulent être solidaires avec les femmes? Parce que la mode, il faut se le rappeler, c’est porter ce dans quoi on se sent bien et magnifique, peu importe les préjugés ou la façon dont on s’identifie.
Références :
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