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Mes bébés sont des étoiles

Alors que pour tout ton entourage c’est comme si tu n’avais juste pas été enceinte (c’est vrai que dans un sens, 6 semaines, c’est si court), toi tu le sais, tu l’as senti. Pendant une très courte période, tu étais une maman avec tout l’espoir et la bonne volonté de toutes les mamans en devenir. Mais la vie est ce qu’elle est et l’histoire ne se finit pas de la même façon pour tout le monde. Tu as des saignements. On t’annonce que ton bébé est mort. Que tu ne seras pas une maman, du moins pas pour tout de suite. On te parle comme si tu ne l’avais jamais été, comme si tout ça ne c’était passé que dans ta tête. On t’explique les statistiques. On t’explique que c’est bien mieux comme ça, qu’il n’était probablement pas viable. Probablement? Oui, probablement… Probablement, ça résonne longtemps dans une tête.

Ton chum, tes amis, ta famille, tes collègues, les voisins, le chauffeur d’autobus, tous les gens qui croisent ton regard sont désolés pour toi. Ils te prennent la main, te disent que ça va aller, que y a rien là. Tout le monde connaît quelqu’un qui connaît quelqu’un qui a vécu quelque chose de semblable, mais bien pire que toi. Alors pourquoi s’en faire?

Tu essaies de les croire. Tu essaies d’être forte. C’est la vie, et la vie est faite d’obstacles. Tu te remontes les manches. Tu ne te laisseras pas abattre. Tu te convaincs que l’espoir existe. Tu te convaincs que tu es forte.

Tu y crois. Tu réessaies. Le test est positif. Le bonheur est tellement fort, mais tu as peur. Tu dis à ton chum de ne pas trop en parler cette fois-ci. Tu te permets de le dire à une ou deux personnes. Tu leur dis que ton bonheur est indescriptible. Tu te permets d’y croire à nouveau, mais tu as peur. Une peur difficile à décrire. Tu chasses cette idée de ta tête du mieux que tu peux. Tu repenses aux statistiques; ce serait vraiment pas de chance que ça arrive deux fois. Tu te convaincs presque que ça va bien aller.

6 semaines passent, pas de saignement… ouf. 7 semaines, tu as mal au cœur, tu es tellement contente d’avoir mal au cœur. C’est la plus belle sensation du monde. Tu montes les escaliers, tu es essoufflée comme si tu venais de courir 8 km. Tu es tellement contente d’être essoufflée. 10 semaines, tu fais une sieste à 4 h de l’après-midi et tu te couches à 8 h le soir. C’est tellement une belle fatigue, tu es contente d’être fatiguée.

Tu as rendez-vous à l’hôpital. On va te confirmer aujourd’hui que tout va bien, que tu peux arrêter un peu de t’inquiéter. Tu vas pouvoir annoncer à tous tes amis et ta famille ton bonheur. À l’échographie, tu le vois, une larme de joie coule sur ton visage. Puis, on t’annonce que le cœur ne bat pas. Qu’il est mort. On t’explique que c’est bien mieux comme ça, qu’il n’était probablement pas viable. Probablement? Oui, probablement.

L’abysse est profond. Tout l’espoir que tu croyais exister, toute la force que tu croyais avoir deviennent des illusions. Tu es triste. Tu en veux au monde entier de t’avoir fait croire qu’il y avait de l’espoir, de t’avoir fait croire que tu pourrais être forte. Ton chum, tes amis, ta famille, tes collègues, les voisins, le chauffeur d’autobus, tous les gens qui croisent ton regard sont désolés pour toi. Ils te prennent la main, te disent que ça va aller, que y a rien là. Tout le monde connaît quelqu’un qui connaît quelqu’un qui a vécu quelque chose de semblable, mais bien pire que toi.

Puis le temps passe. Le temps arrange les choses, à ce qu’ils disent. Les jours passent, les semaines passent, les mois passent. Les gens oublient un peu. Les gens se disent que t’sais, depuis le temps, tu t’en es remis.

La vie continue. Les filles de ton entourage tombent enceinte. Tu veux leur donner une belle écoute. Tu veux les prévenir pour ne pas qu’elles ne tombent d’aussi haut que toi, pour que la chute soit moins dure, mais elles ne chutent pas. Ça va bien. Elles veulent tout te raconter. C’est tellement merveilleux.

Tu t’effondres au bureau. En tournant la page du calendrier, tu vois une petite note que tu avais prise quand tu espérais que tout allait bien aller. Quand toi aussi, tu avais le droit d’y croire. Tu aurais pu connaître le sexe dans quelques semaines. Tu pleures un bébé qui n’en a jamais été un, ne sachant même pas s’il aurait été fille ou garçon. Tu te surprends le matin à te réveiller en caressant ton ventre, comme s’il était encore un peu avec toi.

Mais le temps continue de passer. Les gens sont de plus en plus perplexes. Pour toi, c’est comme si c’était hier. Tu t’attends toujours à voir ton ventre s’arrondir. Tu réalises que ça fait longtemps quand tu te rends compte que tu aurais dû avoir ton petit bébé dans tes bras dans 2 semaines.

Le 17 novembre aurait pu être la date de la naissance de mon premier bébé. Le deuxième, lui, devait arriver autour du 20 février. Mais mes bébés ne sont pas comme les autres. Mes bébés sont des étoiles. Ils n’ont jamais vécu. On ne sait absolument rien d’eux, mais je sais qu’ils auraient été les plus beaux de tous les bébés, que je les aurais aimés d’un amour plus profond que tous les amours du monde, que j’aurais tout fait pour éviter le moindre chagrin et pour que la vie leur sourisse.

Mais mes bébés sont devenus des étoiles.

Par Marie-Ève Marin

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