Récemment, j’ai été confronté à l’impossible : devoir me présenter en cinq minutes, dans le cadre d’une entrevue.
Déjà que j’aime pas parler de moi, alors là, devoir me vendre en aussi peu de temps, je n’avais aucune idée comment faire, surtout lorsqu’il s’agit d’une entrevue de sélection où l’on doit se distinguer des autres candidats, tous aussi excellents que nous, sinon plus.
J’ai d’abord tenté d’opter pour une approche originale. Comme ça, je pourrais marquer l’esprit des évaluateurs de sorte qu’ils se souviennent de moi parmi les dizaines d’autres candidats. Ma première idée fut donc de… chanter une chanson qui parle de moi devant le jury. Ça a fait ses preuves chez Disney avec les enfants, ça a marché auprès des adultes avec La La Land… pourquoi donc pas avec moi? Tout semblait parfait, à l’exception du fait que, ahum, je chante comme un pied. Peut-être que j’aurais tout de même réussi à marquer l’esprit des évaluateurs, mais plus pour avoir perturbé leur audition avec des ondes sonores indésirables que pour autre chose. Rongé par le regret, je me suis donc résigné à me tourner vers une autre idée.
J’ai ensuite pensé débuter ma présentation avec un « emo story ». « J’ai été arraché de ma famille et déporté de mon pays illégalement dans un container à l’âge de cinq ans. » « J’ai lutté pour ma survie pendant des années dans un milieu que je ne connaissais pas, qui parlait une langue étrangère et qui m’était hostile! » Tout cela aurait fait une belle introduction pour me garantir un spot dans la prochaine saison de La voix ou je ne sais quelle téléréalité, mais bien malheureusement heureusement, rien de cela n’est vrai, et jamais je n’aurais été prêt à me rabaisser à ce point juste pour essayer de me vendre.
Bon, alors on flush l’intro flamboyante. Par quoi je commence, dans ce cas? « Salut, mon nom c’est Foan. » Beaucoup trop plate. « Allô! Moi c’est Foan! » On dirait une tentative de se faire des amis à la première journée de classe. Et puis zut, on oublie l’intro, c’est beaucoup trop d’ennui pour rien. De toute façon, l’important, dans une entrevue, c’est la pièce de résistance, le développement, le contenu.
Mais, faire le tour de ma philosophie de vie, de mes plus grandes réalisations ainsi que de mon CV en cinq minutes, c’est pas plus facile pour autant. J’ai donc commencé par faire une liste des points que je voulais aborder dans mon petit discours. La musique, ç’a été un élément significatif dans ma vie jusqu’à maintenant, alors c’est sûr que je dois aborder cet aspect. Mon parcours scolaire au collégial et à l’université, ça aussi, c’est un élément impératif à discuter. Mis à part cela, quoi aborder d’autre? Mes intérêts? D’accord, j’aime le piano, les maths, l’écriture. Je m’implique à l’université, je fais du bénévolat et du sport, pis je suis un peu addict à YouTube. Mais comment faire ressortir tout ça sans avoir l’air d’un robot qui récite une liste?
Et là, finalement, j’ai trouvé. Ma ligne directrice, je l’avais devant ma face depuis le tout début. Sur ma face, en fait, littéralement. Le reste est venu tout seul :
Bonjour, mon nom est Foan, étudiant à l’Université de Sherbrooke, et je suis ici pour vous parler de mon histoire.
Quand les gens me voient pour la première fois, je me fais toujours demander la même chose : tu mesures combien? Et après, vient la 2e question : joues-tu au basket?
Parce que oui, voir quelqu’un avec des traits asiatiques d’aussi grand, c’est vrai que c’est bizarre. On se fait aussi un peu une image stéréotypée des asiatiques : on peut penser à un gars super studieux qui aime les sciences, les mathématiques, qui joue du piano ou violon et qui fait du kung-fu, qui porte des lunettes, et des chaussettes dans ses sandales. Ah oui, et qui a des parents super oppressifs qui le destinent à devenir docteur ou avocat, car sinon, c’est une honte pour la famille.
Bon, y’a une part de vérité dans tout ça. Oui j’aime les sciences, oui je porte des bas dans mes sandales parfois, mais ce qui me rapproche le plus de cette image, c’est sûrement ma passion pour la musique, pour le piano, qui a été une ligne directrice pour moi pendant toute ma vie.
Tout a commencé quand je suis arrivé au Québec, ça fait maintenant une quinzaine d’années, et quand mes parents m’ont inscrit au conservatoire. Moi qui étais au départ super réticent à me lancer dans la musique, surtout dans la musique classique, j’ai réalisé peu à peu les bienfaits que ça m’a apporté au niveau de mon organisation, de ma compréhension logico-mathématique, de ma gestion du stress et de ma performance.
Voilà, c’était le début, et je serais prêt à continuer pendant longtemps encore, maintenant que l’inspiration y est. L’important, selon moi, c’était de trouver un sujet dans lequel on est à l’aise et avec lequel on peut articuler tout notre discours. Dès lors… l’encre peut couler.
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