Sérieusement. On s’en fout. Vraiment.
Le temps qui s’est écoulé depuis ta date de naissance ne devrait pas être une limite ou encore une excuse. Et ça, tout le monde le sait, mais personne ne l’applique. Il me semblerait tellement agréable que nous puissions nous définir par autre chose que la catégorie d’âge à laquelle nous appartenons. Ce concept restreignant de la société qui finit par modeler encore une fois notre façon de penser. Il nous fait descendre dans une caverne où l’âge est à la fois qualité et défaut. Écharde identitaire. Anfractuosité temporelle qui taille rudement notre éventail de possibilité. Vivre est donc possible jusqu’à un certain âge, laisser vivre à partir d’un certain âge. Se faire vivre jusqu’à la majorité, survivre ensuite à nos responsabilités, bien vivre quand on aura un métier. L’âge d’avoir un métier… Et puis tomber au fond de l’abîme du regret de l’âge et dans l’âge regrettable. Je ne veux pas me rendre là et pourtant j’ai l’impression d’y être déjà. Mes pensées ont la fâcheuse tendance de laisser passer des commentaires me rappelant constamment le temps. Celui qui a passé et celui qui reste.
« Voyons, tu as passé l’âge pour ça… »
« Ça dépend de ton âge… »
« Ouais, mais tu es jeune toi… »
Aussi désagréable à lire qu’à entendre n’est-ce pas? Je suggère de se foutre de l’âge une fois pour toute. Passer à autre chose et répandre la bonne nouvelle. Ainsi, se faire un devoir de se rééduquer soi-même à ne pas laisser l’âge transformer le possible en interdit et les options de vie en obligations.
Dans ma famille les gens ne font pas leur âge. Décalage physique et psychologique rimant avec liberté. Pourquoi mes parents ont l’air si jeune? Probablement parce qu’ils savent passer outre leur âge. Ils sont actifs, éveillés et profitent de leur expérience et de leur maturité pour ne pas tomber dans l’enclot de ce qu’il devrait faire/avoir fait/prévoir faire à leur âge. Je trouve admirable et tellement libérateur d’oser cette façon de penser. Et ce, qu’on soit dans la vingtaine ou la cinquantaine. Savoir se jouer du temps qu’on nous étampe au front et laisser librement s’exprimer ce que nous sommes.
Prendre un cours de danse. Porter les vêtements qu’on aime. Partir en voyage. Tomber amoureux. Tomber follement amoureux. Avoir un enfant. Aller à l’école. Retourner à l’école. Faire son coming out. Chanter une chanson au karaoké. Apprendre une nouvelle langue. Tricoter. Changer d’idée. Apprendre à cuisiner. Se marier. Faire du vélo. Pardonner. Être différent des gens de notre âge…
Et s’il n’était jamais trop tôt, jamais trop tard. Et si on s’en foutait de notre âge?
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