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Ma rencontre avec le féminisme

En cette Journée internationale des femmes, j’ai eu envie de parler de féminisme, du point de vue de la débutante en la matière que je suis.

Débutante dans le sens académique du terme. Ma réalité, je la vis en tant que femme, donc ça, j’en connais quand même un bon bout. Mais si j’avais à suivre un cours sur le féminisme, je serais probablement dans la classe 101. Jusqu’à il n’y a pas très longtemps, je ne me posais pas trop de questions sur le mot-qu’on-ne-doit-pas-prononcer. C’est toujours plus facile d’éviter le sujet en disant qu’on n’y connaît rien. Ça évite de se remettre en question, de devoir argumenter et surtout, d’être critiquée. Mais je ressentais par contre un feeling qui ne partait pas : celui qui veut que c’est quand même paradoxal pour une femme de ne pas être féministe.

Il faut se l’avouer, juste le mot féminisme fait dresser le poil de bras de plein de gens. Tu dis féminisme et les gens s’imaginent tout de suite une femme seins nus qui, avec sa brassière en feu à bout de bras, crie à tout le monde à quel point elle haït les hommes.

Pour moi, c’était insensé, parce que j’avais autour de moi des femmes qui se disent féministes et qui ne correspondent pas du tout à cette image, des femmes qui m’ont expliqué comment elles vivent et perçoivent le féminisme. Des femmes qui aiment leur mari, leurs fils, les hommes, et qui les considèrent comme leurs égaux.

Du coup, les premières questions sont venues.

« Et si le féminisme n’était pas ce mouvement de femmes frustrées qui se cherchent des luttes – comme certains en sont persuadés et veulent nous faire croire? À part de ça, pourquoi ces gens-là auraient-ils raison? »

Je me suis donc dit qu’au lieu de ne jamais faire avancer mon opinion sur le sujet, j’allais commencer à m’informer et accepter de remettre en question mes idées. Et c’est ce que j’ai fait. J’ai commencé par la base, la définition la plus simple du féminisme : « mouvement social qui lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes »[1].

Jusque là, ça allait bien. Pas de quoi s’énerver. Mais, ding! J’ai relu la définition. Si certaines femmes luttent pour l’égalité hommes-femmes, ça suppose qu’elle n’est pas acquise. Oh, là, j’avais un doute. Je comprenais que ça pouvait s’appliquer à des pays où les femmes n’ont pas le droit de voter, sont condamnées à mort pour adultère, bref, des réalités loin de la nôtre, au Québec.

« Après tout, ici, toutes ces femmes qui avaient lutté pour obtenir le droit de vote ne l’avaient-elles pas acquis? Les femmes n’étaient-elles pas, aujourd’hui, chefs d’entreprise, sur le marché du travail, dans les universités? »

Et là, peu de temps après, quelque chose m’est arrivé. À l’époque (et là, ça fait pas vingt ans, même pas dix, même pas cinq), je commençais en radio. J’ai voulu postuler pour un poste d’animation radio pour une émission matinale, et on m’a gentiment remerciée de ma candidature, parce qu’on recherchait un candidat masculin. Je comprenais pas pourquoi une femme ne pouvait pas occuper ce poste. Et là, le patron en a rajouté : « les gens sont habitués à un homme le matin, eh puis, on a déjà essayé (d’avoir une femme) et ça a pas marché ».

Sur le coup, je me suis dit qu’il me trouvait peut-être poche et que c’était son excuse – très indélicate – pour me remercier d’avoir soumis ma candidature. Mais comme je connaissais deux autres filles qui avaient elles aussi envoyé leur démo, je suis allée leur parler, pour réaliser qu’elles avaient obtenu le même accueil que moi. Là, les questions se sont mises à fuser de partout.

« Pourquoi un homme à tout prix? Pourquoi une femme ne pourrait-elle pas faire le travail? Avaient-ils reçu tant de plaintes que ça la fois où une femme avait occupé le poste? Pourquoi une femme n’aurait-elle pas l’opportunité de démontrer son savoir-faire (dans ce cas-ci)? Pourquoi le statu quo? À quoi, et surtout, à qui il sert? »

Alors je suis revenue à la définition du féminisme. « Mouvement social qui lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes ».

« Est-ce que ça se pouvait que la définition de l’égalité ici aille plus loin que la simple revendication du droit de vote? »

Mon expérience m’avait fourni des pistes de réflexion. Je ne pouvais pas m’empêcher de penser que le patron qui m’avait servi l’excuse qu’un homme devait absolument occuper le poste d’animateur du matin proposait une logique boiteuse. Au final, c’est comme s’il me disait qu’une femme ne pouvait pas être aussi crédible qu’un homme.

« Est-ce que ça se pouvait, qu’en 2014, certaines personnes pensaient encore qu’un homme avait des qualités qu’une femme ne pouvait pas avoir – et vice-versa – parce que la société leur avait appris à agir d’une certaine façon et à ne pas sortir du cadre pour ne pas déranger ce qui était déjà établi? Établi par qui? Pour quoi? »

Au fil de mes lectures, j’ai découvert que ça, c’est ce qu’on appelle un stéréotype sexiste et je ne vois pas comment on pourrait me convaincre qu’un stéréotype comme celui-là s’inscrit dans une logique égalitaire. C’est là que mon intérêt pour le féminisme a grandi et que j’ai compris que le mouvement luttait pour davantage que le droit de vote et les causes « plus visibles ».

Certains me diront que je ne peux pas me baser sur un événement qui s’est passé une fois pour généraliser. Je concède ce point. Mais plusieurs femmes ont raconté et continuent de raconter comment elles ont vécu ou été témoins de situations semblables, comment il est difficile de briser le plafond de verre. Je doute fortement qu’elles inventent ces histoires pour se placer en victimes.

D’autres me diront qu’à ce compte-là, beaucoup de gens, pas seulement les femmes, sont victimes de stéréotypes. Vrai. La lutte contre les stéréotypes, qui est une des revendications féministes, s’inscrit dans une lutte plus globale qui, à terme – si on y arrive – pourrait bénéficier à tout le monde.

La partie stéréotypes, c’est ce qui m’intéresse particulièrement dans le féminisme, et c’est ce qui me touche le plus au quotidien. Ceci dit, loin de moi l’idée de restreindre le féminisme à cette revendication. Je ne sais même pas si la complexité du mouvement féministe pourrait se résumer en une thèse de doctorat. Parce que des revendications, y en a beaucoup : droit de vote, lutte contre les stéréotypes sexuels et sexistes, lutte aux violences, santé (accès à l’avortement et à la contraception, par exemple), représentation dans les sphères de pouvoir, et j’en passe.

Je comprends aujourd’hui que toutes ces luttes sont en constante évolution et peuvent varier selon les différents contextes dans lesquels elles sont vécues. Y a donc probablement autant de façons de vivre le féminisme qu’il y a de femmes dans le monde.

J’ai encore aujourd’hui bien peu de réponses à toutes les questions que j’ai posées dans ce texte. Même que plus je m’informe, plus j’ai des interrogations.

Je suis aussi consciente que ma vision du féminisme est appelée à évoluer avec le temps. Par contre, le mot féminisme ne me fait plus peur, et j’affirme aujourd’hui à qui veut l’entendre que je suis féministe.

Bonne Journée internationale des femmes!

Crédit photo de couverture : Blandine Le Cain

[1] SUPRENANT, Marie-Eve. (2015). Manuel de résistance féministe. Montréal, Québec : les éditions du remue-ménage, p. 17.

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