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Ma relation avec le maquillage

J’adore me sentir féminine. Eh oui, la féminité passe par différents moyens sur différents corps. Elle passe même très bien sur des corps masculins. Mais j’ai un peu peur quand je vois une femme qui croit que, pour sortir de la mainmise de la société patriarcale sur elle, elle doit sortir des standards que l’on juge « féminins ». Bien entendu, beaucoup de jeunes femmes androgynes demeurent féminines, je sais faire la part des choses. Et le maquillage n’est pas un facteur de féminité non plus. Je suis simplement sur mes gardes. Dire à une femme qu’elle ne devrait pas se maquiller sous prétexte qu’elle est aliénée, c’est aussi la juger et la mettre dans une nouvelle boîte. « Maquille-toi, tu es laide sans! » « Maquille-toi pas, tu caches ton naturel sous le khôl. » On peut-tu juste faire ce qu’on veut avec nos faces? C’est entre autres ce que je reproche à la fameuse Journée sans maquillage. Bien que basée sur des intentions honnêtes, elle remet de l’avant le fait que la femme maquillée semble plus fausse que la femme au naturel. C’est drôle, moi, je ne change pas de mentalité avec ou sans mascara, je ne change pas d’opinion avec ou sans rouge à lèvres… Je reste la même, fardée pas fardée.

Maquillage vintage (source)

Je regardais il y a quelque temps une vidéo publiée sur Broadly qui montrait des femmes drag-queens de Londres, qui refusent la dénomination de « faux-queens ». « Nous sommes des femmes et nous surjouons la féminité, pourquoi alors serions-nous fausses? Et surtout, pourquoi serions-nous moins légitimes que des hommes qui se travestissent? » Certaines d’entre elles avouent n’avoir jamais été autant victimes de misogynie que dans le milieu, alors que c’en est un de spectacle et de déguisement. « Quand ils se rendent compte que je suis une fille sous mon maquillage, je reçois souvent des commentaires comme quoi je ne suis pas la bienvenue… »

Au contraire, j’ai tendance à croire que le genre féminin ne devrait pas être subtilisé à la femme, il peut être partagé, bien entendu, mais pas retiré.

Source

Des artifices comme le maquillage, les sous-vêtements, les chaussures, ont longtemps été construits en fonction du regard de l’homme. Mais reprendre ces dits artifices pour les faire nôtres, pour les habiter en tant que femme, pour court-circuiter la rengaine incessante de « tu es assimilée par l’homme parce que tu portes des talons hauts », je crois que ce n’est pas une manière d’entrer dans le jeu de la femme marchandise. C’est plutôt une manière de faire un pied de nez ou un fuck you à ceux qui pensent encore qu’on s’habille pour eux. J’affirme que je m’habille pour moi, me maquille pour moi, me « poupoune » pour moi, parce que j’aime le style que ces éléments culturels et esthétiques provoquent sur moi.

Henné (source)

FKA Twigs, mon nouveau girl crush (source)

Maquillage égyptien (source)

Saviez-vous que le maquillage existe depuis un maudit « boutte »? Que les Égyptiens s’enduisaient le corps d’onguents et d’huiles parfumées? J’ai lu que le maquillage sur les lèvres empêchait le diable d’entrer par la bouche et que le khôl protégeait du mauvais œil[1], en plus de protéger du soleil, comme chez les joueurs de football américain. Sinon, vous vous rappelez de la mode des mouches, petits points ajoutés ici et là sur le visage ou le buste? Cette mode de l’Ancien Régime était aussi porteuse de significations cachées[2]. Tout dépendant de l’emplacement de la mouche, on était plutôt dangereuse, courtisane, coquette. Tant qu’à moi, aujourd’hui, avec mes freakles, je suis un peu de tout ça.

Mouches (source)

Si les observateurs ont généralement un discours « moralisateur » sur la question du maquillage, Anne de Marnhac (auteure de Beauté, histoire, florilège et astuces, aux Éditions de la Martinière) favorise plutôt une approche historique. « Il y a un côté invariant au maquillage, aux soins du corps, au soin de la coiffure, explique‑t-elle. Même dans les sociétés les plus démunies, en Éthiopie, là où les gens n’ont rien, les femmes trouvent le moyen, avec toutes sortes de poudres, de se fabriquer du maquillage. Bien sûr que cela a toujours existé[3].

Je n’aurais pas dit mieux. Je pense qu’il faut arrêter de marginaliser les utilisatrices d’ombre à paupières… Dit-on à Alice Cooper ou à Marilyn Manson de se débarbouiller parce qu’ils sont assimilés par l’industrie? Le maquillage est une manière d’affirmer sa dramaturgie, au-delà de sa féminité. Je suis toujours plus dramatique sous quelques fards. Mais je ne me sens pas moins féminine si je n’en porte pas.

Marilyn Manson (source)

Source [1]/[2]/[3]

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