Libérons nos vagins, oui, je le dis, je l’affirme, je le crie, en espérant que cet élan en inspirera d’autres dans le chemin de l’acceptation de soi et de ce merveilleux petit trésor lové entre nos jambes.
C’est donc bien de vagins dont je vais parler, avec la conscience aigüe d’écrire sur une ligne instable et précaire dont les accroches vont du personnel au politique, comme l’ont si bien dit avant moi nombre de féministes de la première vague.
Avant toute chose, je tiens à préciser que les vagins en question sont attachés à des femmes, à une multitude d’individus aux mille facettes, superficiellement et profondément différentes.
Les femmes et leur vagin et, depuis la nuit des temps, sont sommés dès leur plus jeune âge à considérer cet organe comme instrument de leurs objectifs. Cela va de la grossesse menant à la maternité jusqu’à la consécration d’une féminité aux contours plus flous que jamais.
Et pourtant, les normes sociétales, tout en mettant l’entrejambe (poilue ou pas) au cœur des préoccupations de la femme moderne, nous incitent subtilement à cacher ce sexe que l’on ne saurait voir. Peut-être les grands prédicateurs de la morale craignent-ils une explosion spontanée à la suite de la révélation de ce petit triangle de chair si fragile et si fort en même temps.
Comment alors parvenir à une entente simple avec nos vagins, comment ne pas sombrer vers l’acceptation d’un état de fait limitant notre place dans l’espace public en tant que femme?
À quel point est-il possible de construire dans ce set-up là un rapport sain avec notre sexualité?
Cette question m’est venue assez naturellement à force d’entendre dans la bouche de mes amies des réflexions désillusionnées vis-à-vis d’une sexualité qui nous est dérobée avant même que nous nous laissions toucher pour la première fois. Notre vagin est, à la naissance, ce qui fait de nous des femmes à priori. C’est donc notre gage identitaire premier avant que nous puissions par nous-mêmes décider de ce que nous sommes. Et ce n’est d’ailleurs (dans la majorité des cas) pas un problème tant que grandissons dans la certitude de notre genre dans la plus simple conscience des choses.
Puis, les choses se gâtent quand nos culottes accueillent le sang béni un jour comme ça, quand d’un coup nos embryons de seins commencent à titiller un peu trop, que nos hanches se dessinent et que nos ô si problématiques poils s’en viennent un peu partout sur nos surfaces.
Lorsque cette étape est passée, alors la jeune fille que nous étions rentre en trombe dans le champ des femmes, foulant avec une masse d’émotions contradictoires un terrain labouré par des codes et des règles censées nous guider dans le grand bordel de la féminité.
On nous invective dans le cadre familial, scolaire et amical de bien réfléchir avant de passer à l’acte, de prendre des précautions, d’attendre le bon, de se protéger, de ne pas coucher avec le premier venu, tant de propositions relativement positives nous ouvrant la voie vers le grand théâtre du sexe hétérosexuel. Puis, quelques années après l’adolescence, on se surprend à avoir une opinion sur ceux ou celles d’entre nous qui n’ont pas encore mis le pied à l’étrier du cul, qui restent patients devant les portes du théâtre, on imagine les raisons de la déroute vers la non-sexualité, on partage des avis, on s’interroge sur le pourquoi de ce manque d’intérêt, on se choque de cette belle fille qui n’a pas encore goûté aux sucs irrésistibles de la sensualité.
Si l’on fait le décompte de toutes les manières qu’empruntent les grandes idées sur la sexualité pour s’introduire dans nos intimités, cela fait beaucoup d’intrusions entre nos cuisses qui pourtant ne doivent jamais ô grand jamais s’ouvrir trop au risque de se retrouver catégorisées, affublées d’étiquettes les plus péjoratives les unes que les autres.
Mais, au-delà des injonctions sociétales, c’est nous-mêmes dans notre propre expérience d’être une femme qui nous imposons des barrières. Ultra-conscientes de l’antre chaud qui anime parfois bien plus que juste un processus corporel, il nous faut négocier avec nos propres envies, justifier nos actes, et souvent intellectualiser nos décisions quand il s’agit de sexualité.
D’ailleurs, que notre sexualité soit active ou qu’elle ne le soit pas, rares (et chanceuses) sont celles qui performent sans souci dans ce grand cirque lubrique, celles qui, en dépit des normes et des attentes, font leur petit bout de chemin sexuel tout en sachant que Monsieur H, Madame Y, et Mademoiselle F auront surement leur petit mot à dire sur les dernières aventures.
C’est aussi la raison pour laquelle beaucoup d’entre nous entretiennent comme un précieux bijou le secret de leur sexualité, érigeant en mystère un aspect de la vie humaine aussi naturel que celui de manger ou boire.
Il nous est devenu naturel de sacraliser la sexualité sous prétexte de pudeur, de jardin secret, d’intimité absolue n’ayant rien à faire dans les affaires publiques. Et si je comprends sans peine la volonté de vouloir garder pour soi les récits détaillés de nos derniers rodéos alités, je suis plus mitigée sur l’idée que nous ne devons pas en parler.
En dehors des aventures orgasmiques, la sexualité et la partie de notre corps que cette activité privilégie ne sont pas, comme on peut à première vue le croire, les meilleurs amis de la femme tout au long de sa vie.
Souvent, le rapport entre une femme, son sexe et sa sexualité est en proie à des combats intérieurs que l’on annihile pour ne pas embarrasser l’autre, que l’on tient pour morts tant que personne ne sait. Et pour cause, le sexe des femmes et le pouvoir qui y est associé dans l’imaginaire social, sociétal, religieux et médiatique surpassent toute forme de quotidienneté et empêche une entente organique et naturelle des femmes avec leur corps.
Je crois fermement que si les normes en matière de sexualité ne sont pas abolies dans un futur proche, nous, en tant que femmes, avons grand intérêt à libérer nos vagins de la pression qu’ils subissent et de les choyer, les câliner, les nourrir d’amour et de ce qu’ils ont besoin, que ce soit d’un coït enflammé avec un(e) amoureu(se)x, d’un « quickie » étincelant, d’une séance d’autosatisfaction ou d’un calme parfait, ce que nous vivons avec nos vagins ne regarde que nous.
Notre corps nous appartient ainsi que la façon dont nous décidons de l’offrir ou de le montrer au monde ou encore les deux.
Moi je l’aime mon vagin, et croyez-moi, il me le rend bien.
Source photo de couverture : Petites Luxures