Chers hommes,
Ce texte n’est pas écrit dans la sérénité, mais il est en moi depuis longtemps.
Je suis fatiguée de devoir justifier mon féminisme auprès des hommes, je suis fatiguée de devoir expliquer les tenants et les aboutissants de mes convictions, je suis fatiguée d’expliquer par A + B les raisons de mon engagement, je suis fatiguée de chercher des raisons qui légitimeraient sans cesse un combat qui me paraît pourtant si essentiel.
C’est pourquoi je m’adresse aujourd’hui aux hommes de ma vie, et aux hommes tout court parce que, mine de rien, vous êtes autant concernés que nous dans ce grand bordel que sont les sociétés.
Parmi toutes les discriminations basées sur le sexe, les hommes subissent aussi. Dans leurs rapports avec les femmes, les hommes ne savent plus comment agir de peur de se faire ranger dans la catégorie des sexistes, des misogynes et autres qualificatifs de la même trempe. Dans leur sexualité, les hommes semblent obsédés par la performance, la satisfaction jusqu’au-boutiste de leur partenaire jusqu’à occulter les différences entre les femmes quand il s’agit de plaisir. Dans leurs environnements sociaux, nombre d’hommes se sentent agressés lorsque le sujet du féminisme est abordé comme si tout ce qui leur était familier était remis en question. Et je suis fatiguée de prendre des pincettes pour ne pas froisser ces messieurs. Je suis fatiguée parce que cet éveil-là je sais à quel point il n’est pas évident, et pour cause, j’y suis passée aussi avec toutes les déconvenues qu’il implique.
Quand je parle d’éveil, je parle de la réalisation de réalités qui ne sont pas jolies à regarder en face, je parle d’hétéronormativité qui ne fait du bien à personne, ni aux hommes ni aux femmes, je parle de colère enfouie qui pollue les rapports entre les sexes quand nous nous empêchons d’exprimer nos mécontentements, je parle des hommes bons qui sont mis dans le même paquet que ceux qui nous font du mal. Je parle d’injustices du quotidien qui touchent autant ma mère, mes amies que les hommes de mon entourage.
Je suis tellement impatiente d’arrêter de penser au féminisme, j’attends avec ferveur le moment où je pourrai dépenser mon énergie et mon temps à autre chose que la défense des droits des femmes, mais pour l’instant les résultats ne sont pas assez probants pour baisser les armes. Et si vous aussi, hommes de ma vie, vous en avez marre d’entendre parler du féminisme, alors je ne peux que vous encourager à rejoindre le mouvement.
Pas besoin d’aller militer pour ça, pas besoin de lire les livres, pas besoin de vous refaire une culture irréprochable, le féminisme se vit au quotidien comme un guide de survie dans une société qui nous pousse à l’irrespect, à l’individualisme et à la différenciation d’avec l’autre.
Vous êtes plus que capables de comprendre ce qu’est le féminisme et de l’appliquer dans vos vies sans que ce soit un fardeau ou un facteur culpabilisant. Être féministe c’est croire en l’égalité des chances de chacun pour être son meilleur soi, c’est savoir respecter les limites d’autrui à chaque moment et dans chaque situation. Être féministe ce sont tous les gestes et les mots qui autorisent les femmes – et vous-même – à se sentir libres dans sa vie.
Dans ce cas, je vous invite à être féministe, tous en même temps, conjointement avec les femmes qui vous agacent peut-être avec ça, je vous invite à les écouter attentivement quand elles vous parlent de ce qui les accablent, quand elles expriment du désarroi sur la violence que ce monde abat sur les femmes, quand elles vous disent non et quand elles vous disent oui, je vous invite à ne pas vous braquer, à ouvrir vos esprits et à accepter le changement, car il est absolument certain qu’il vous bénéficiera aussi.
Essayez de ne plus avoir peur de ce mot. FÉMINISME.
Oui, nous parlons des femmes, car ce mot prend sa racine dans la défense d’un groupe social, mais à aucun moment il n’en attaque un autre, aucune de ses ambitions ne tend à enlever quelque chose à qui que soit. FÉMINISME. Il faut vous habituer à le concevoir comme un allié de votre mieux-être, un compagnon dans la compréhension des souffrances de l’autre. FÉMINISME. Lisez-le, digérez-le, prenez le temps qu’il faudra, mais s’il vous plaît, acceptez-le.
Ce mouvement, ainsi que toutes les problématiques qu’il défend, n’est pas votre ennemi, il est votre allié pour une société plus juste, plus égalitaire et plus libre. Il est le berceau de l’émancipation et de la joie retrouvée dans les yeux de millions de femmes qui sortent de conditions de vie à peine supportables tous les jours sous l’emblème du poing levé.
Le féminisme n’est pas de la colère contre les hommes, c’est de l’espoir pour les femmes, et pour tous ceux qui en ont besoin. Il n’y a d’ailleurs pas qu’une forme de féminisme; chacun est libre de concevoir sa propre définition, tout ce qu’il faut c’est un zeste de bonne volonté, une pincée d’humilité, et une grosse dose d’amour pour l’ensemble de l’humanité.
Nous formons une grande team d’individus et nous avons besoin les uns des autres. Si la moitié de l’humanité se refuse à transformer nos conditions de vie ou à entendre avec bienveillance les constatations problématiques, tout cela prendra beaucoup beaucoup beaucoup de temps. Et le temps, c’est notre bien le plus précieux, il semble assez évident que la plupart d’entre nous préfèreraient le dépenser à chercher le bonheur plutôt que de se débattre constamment pour juste survivre. Si vous avez un tant soit peu d’amour pour votre prochain alors le féminisme devient une évidence.
Les féministes aiment les hommes comme elles aiment les femmes, et nous sommes plus que prêtes à vous accueillir dans la conversation, à vous écouter aussi dans vos questionnements, vos troubles et vos doutes. Nous sommes conscientes que les femmes ne sont pas les seules à subir, alors ceci est un appel à l’échange rempli de positif.
Si tu me lis et que tu es une femme, partage cette lettre aux hommes de ta vie; si tu me lis et que tu es un homme, la même chose s’applique. Nous devons être là-dedans ensemble, un point c’est tout.
Je vous aime, hommes, femmes et tous ceux qui ne se retrouvent pas dans tout ça non plus.
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