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Les lois du genre

« Regarde comment elle est habillée, elle a vraiment besoin d’attention. »
« Elle a couché avec plein d’hommes, c’est une pute, elle est sale. »
« Elle sort sans brassière? Elle a l’air d’une aguicheuse. »
« Avec ces shorts-là, elle a l’air d’une invitation. »
« Respecte-toi un peu et couvre-toi. »
« Elle a l’air d’une fille facile. »
« C’est un garçon manqué. »

Il sera question dans cet article de déconstruire ce type de commentaires, aliénants et socialement assimilés, qui contribuent tous au même but; soit de maintenir un contrôle collectif sur les femmes en tant que groupe social.

Pour ce faire, je baserai mon raisonnement sur un concept développé par Gail Pheterson, enseignante chercheuse au centre de Recherches sociologiques et politiques de Paris [1], soit le concept du « stigmate de putain ». Sans en parler de manière exhaustive, je me contenterai d’y aborder le stigmate du contrôle, un concept majeur de sa théorie.

Qu’est-ce que j’entends par féminité légitime?

La féminité légitime est un concept en constante mouvance dans le sens où sa définition diffère selon l’endroit et l’époque dans laquelle on se trouve. Il n’opère donc pas de la même manière ici qu’il opère dans certains pays d’Orient ou dans un espace-temps différent du nôtre. Il n’en demeure pas moins que le concept de féminité légitime se retrouve partout où les rapports de genre sont en interaction… Donc partout.

La féminité légitime, ça pourrait être une femme qui ne se plaint pas, qui ne parle pas de certains sujets, qui ne sacre pas, une femme qui a peu de partenaires sexuels… C’est donc une étiquette de conduite qui est imposée à tous les individus qui se qualifient comme étant femme. La femme s’en retrouve donc à exister sous silence pendant que la féminité qu’on lui impose connaît un trop-plein d’existence.

Je tiens à préciser que ce n’est pas le concept de la féminité qui pose ici problème, mais bien son imposition.

Comment le stigmate de « putain » fonctionne-t-il?

Le stigmate de putain doit être envisagé comme un instrument de contrôle sexiste qui s’emploie à l’encontre du groupe des femmes. Cet instrument de contrôle doit aussi être perçu comme système punitif qui condamne toute transgression des codes discriminatoires en matière de genre, soit toute infraction vis-à-vis des caractéristiques assimilées ou réputées comme étant de l’ordre du féminin. En d’autres mots, dès qu’une femme sort de son assignation de genre dans une société donnée on va lui attribuer le stigmate de putain. Donc toutes les femmes sont susceptibles d’être stigmatisées si elles transgressent les normes, les qualités et les devoirs jugés immuables à leur sexe.

Mais comment ce stigmate peut-il avoir un contrôle les femmes? Parce qu’en stigmatisant une seule femme, soit en l’humiliant publiquement et en portant atteinte à sa réputation et/ou à son intégrité en tant qu’individu, on s’assure de contrôler socialement, économiquement et politiquement toutes les autres femmes. Ces autres femmes qui, à la vue de ce rappel à l’ordre, préféreront demeurer dans les limites prédéfinies pour et sans elles.

As-tu déjà menti sur le nombre d’hommes avec lequel tu as couché? As-tu déjà eu peur de passer pour une fille facile parce que tu as couché avec un homme le premier soir?

Pourquoi selon toi? Eh bien, parce que les critères culturels et politiques de ce qui est convenable et de ce qui est transgressif ne t’autorisent pas à adopter des agissements étant de l’ordre du masculin. Contrairement aux hommes et contrairement à cet homme avec qui tu as couché le premier soir, tu n’as pas de quoi en être fière, oh non! De quoi as-tu l’air? Qu’est-ce qu’on va dire à ton sujet? Qu’est qu’on a déjà dit? Tu vois, ce stigmate n’est pas absent de ton quotidien. Il est tellement bien intégré qu’il finit même par s’octroyer des allures de normalité.

Il t’inculque cette peur. Cette peur de sortir hors de cette zone préétablie pour toi. Puisqu’avant même que tu aies pris conscience de ton corps, celui-ci a déjà été sexualisé pour toi. On t’a imposé ce trop-plein de conscience de soi, de ton corps, de ces supposées responsabilités féminines qui t’incombent. On te passe au fer le titre d’être sexué et on t’indique les limites à l’intérieur desquelles tu as le droit d’exister. Y existes-tu vraiment? Pleinement?

En refusant de se ranger dans les limites de la féminité légitime, les femmes en tant que groupe social vont se faire insulter à tort et juger au sein de leur individualité. Un jugement — un rappel à l’ordre — qui cherche à atteindre la femme visée ainsi que toutes les femmes. Parce que ce n’est pas acceptable pour elles, en tant que classe de sexe.

Comme Judith Butler le mentionne si bien, la féminité demeure un construit social. Il n’existe pas de féminité ni de masculinité originale. Le genre n’est que la reproduction d’une reproduction, soit une parodie qui ne possède aucun original. Il n’y a donc pas une bonne ou de mauvaise façon d’être une femme.

Girls, pensez-y a deux fois la prochaine fois que vous voulez passer un commentaire sur les choix vestimentaires d’une autre fille, sur son maquillage, sur son aspect physique en général. Ne faites pas partie de celles qui participent à perpétuer ce stigmate. Tenez-vous au lieu de vous nuire.

Sur ce, vous êtes fabuleux.euses.

Ne l’oubliez pas.

Source 1

Source photo de couverture

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