J’ai une relation ambivalente avec le Web. On y trouve du mieux au pire. En janvier dernier, Le Devoir publiait un article sur la consommation de GHB sur les campus universitaires. Vous ayant raconté mon histoire dans un billet précédent, j’étais intriguée de lire les commentaires des internautes, de peut-être y trouver des similitudes avec mon expérience, de mieux comprendre ce qui m’était arrivé.
J’aurais dû m’abstenir.
En gros, quelques sans-génie qui y mentionnaient que les filles devraient arrêter de jouer les victimes, que les filles devraient passer des tests de dépistage pour être certaines de l’origine de leur « intoxication » au lieu de chialer. Bref, le modérateur était dans le jus et la plupart des commentaires ont été effacés au cours de la soirée.
Évidemment, ce n’était pas la première fois que je voyais des réponses du genre, parce que quand le sujet est le moindrement sensible, on retrouve fréquemment des « elle doit avoir du sable dans le vagin », « elle doit être mal baisée », « tu es juste jalouse, parce qu’à voir ta photo de profil, t’es laitte en criss », etc. Simples dommages collatéraux de la liberté d’expression? Peut-être. Parce qu’il est vrai qu’hommes et femmes ont la possibilité de diffuser librement et également sur ces plates-formes. Toutefois, à la suite d’une publication, sommes-nous virtuellement égaux? Peut-être pas.
En avril dernier, le blogue Just Not Sports mettait en ligne une vidéo qui avait pour but de sensibiliser les amateurs de sports au harcèlement auquel doivent faire face les journalistes sportives. L’équipe a donc demandé à des amateurs de sports de réciter des commentaires adressés à Sarah Spain et à Julie DiCaro, deux journalistes sportives. Le résultat est assez troublant. Parmi ceux-là :
« You need to be hit in the head with a hockey puck and killed »
« I hope you get raped again. »
« I hope your boyfriend beats you. »
Tout ça pour du sport.
Heureusement, la vidéo a été vue plus de 3 millions de fois!
Plus près de nous, la journaliste Chantale Machabée, qui couvre les activités du Canadien de Montréal pour la chaîne RDS, dénonçait également la situation. Menaces de mort, insultes à caractère sexuel, méchancetés, etc. Une réalité quotidienne, selon la professionnelle, mais surtout bien différente des insultes moins violentes que reçoivent ses collègues masculins.
Le domaine sportif est-il une exception? Malheureusement, les sujets qualifiés de « masculins » ne semblent pas avoir le monopole des internautes en manque de jugement. Récemment, le quotidien britannique The Guardian publiait une analyse des 70 millions de commentaires rédigés sur son site depuis 2006. Fait étonnant (ou non!), sur les dix rédacteurs les plus harcelés, 8 sont des femmes (4 blanches et 4 non blanches). Quant aux deux hommes, ils sont noirs. Je pense qu’il est aussi important de préciser que deux des femmes et un des hommes sont gais, et qu’une juive et une musulmane figurent parmi les rédactrices. De plus, depuis 2010, les articles écrits par des femmes attirent une proportion plus importante de commentaires bloqués rédigés par des hommes. Bref, la diversité semble avoir la vie dure.
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Passer son chemin ou répondre?
Ces quelques exemples soulèvent l’importance de la modération, mais également de notre rôle en tant qu’utilisateur. Devant un commentaire irrespectueux, discriminatoire et violent, doit-on fermer les yeux? Rester muet? Répondre? Est-ce que, collectivement, nous pouvons mettre nos claviers au service de la décence et du jugement?
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Les conséquences de la violence et du dénigrement en ligne ne sont pas que virtuelles, et il faut, à mon avis, être bien simple d’esprit pour en arriver à des commentaires qui s’attaquent au sexe, au physique ou à la sexualité d’un(e) inconnu(e) pour faire valoir son point. Au bout du compte, même si chacun est libre de s’exprimer, ce dénigrement aura des impacts directs sur la liberté d’expression qui nous est si chère. À force de se faire traiter de folles, d’hormonales ou d’hystériques, les femmes en viendront-elles à se taire, exaspérées d’être les victimes d’insultes gratuites? Entre toi et moi, chère Crépue, j’espère que nous utiliserons le clavier et l’argumentation en guise de réponse et qu’au final, nous ferons taire ceux et celles qui estiment que la diversité mérite la méchanceté.
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